Après un début d’année plutôt dynamique, le déclenchement du conflit ukrainien et ses conséquences en termes de déstabilisation des marchés des matières premières, a donné un coup de frein à l’activité dans le secteur des matériaux.
Selon les résultats encore provisoires pour le mois de mai, la production de matériaux se serait redressée par rapport à avril, un mois marqué par un repli sensible de l’activité. Ainsi, la production de granulats aurait augmenté de + 1,6 % mais demeure en retrait de - 4 % par rapport à celle de mai 2021. Sur les trois derniers mois connus, l’activité des granulats observe un repli de - 4,9 % comparé aux trois mois précédents et de - 4,6 % au regard de la même période d’il y a un an. En cumul sur les cinq mois de l’année, la tendance s’inscrit sur une pente négative de - 1,5 %, soit un rythme un peu moins élevé que celui de la tendance calculée sur les douze derniers mois (- 1,8 %). Du côté du BPE, les livraisons de mai ont également grimpé par rapport à avril (+ 3,1 %) mais s’affichent en deçà de celles de mai 2021 (- 2 %). Au cours du trimestre mars-avril-mai, les volumes de BPE livrés ont cédé - 3,8 % par rapport aux trois mois précédents et - 5,4 % par rapport au même trimestre de l’année 2021. En cumul sur les douze derniers mois, l’activité du béton se replie désormais de - 3,2 % sur un an, tandis que sur les cinq premiers mois de l’année, le recul atteint - 1,8 %.
Des tensions sur l’offre et les coûts
Interrogés en juin par l’INSEE, les professionnels du bâtiment se sont montrés un peu moins optimistes sur leur activité future mais leur opinion sur l’activité passée s’est à nouveau améliorée, maintenant ainsi l’indicateur du climat des affaires à haut niveau. Les carnets de commandes se situent toujours à un point historiquement élevé dans le gros oeuvre (9,8 mois) et le ressenti des professionnels quant à ces carnets demeure très favorable et largement au-dessus de la moyenne de long terme, ce qui écarte l’hypothèse de carnets artificiellement gonflés par des retards et difficultés de réalisation des chantiers. Pour autant, ces dernières restent prégnantes et près de la moitié des entreprises de gros oeuvre (48,6 %) sont encore dans l’incapacité d’accroitre leur production (une part en léger repli par rapport au mois de mai à 57,4 %) tandis que 72 % d’entre elles sont confrontées à des obstacles qui limitent leur activité (personnel, approvisionnement…). On notera toutefois que la part des entreprises du bâtiment faisant face à des difficultés d’offre se stabilise en juin, voire se modère, à l’inverse de celles faisant face à des difficultés de demande dont la part, après avoir atteint un point bas, tend à se redresser. Il faut peut-être y voir les premiers signes des effets du renchérissement du coût des chantiers et des difficultés à conclure le démarrage de travaux. L’inflexion récente des mises en chantier de logements pourrait confirmer cette assertion. En effet, sur les trois derniers mois allant de mars à mai, les logements commencés ont stagné par rapport aux trois mois précédents, déjà en recul, laissant la tendance à -5 % sur un an. C’est le segment du collectif qui marque le plus le pas (- 16 % sur le trimestre) tandis que, du côté de l’individuel, la dynamique reste enclenchée (+ 12 %). Au total, à fin mai et en cumul sur un an, un peu plus de 388 000 logements ont été commencés, soit + 0,5 % en glissement annuel. En revanche, la vigueur des permis ne se dément pas même si depuis avril le flux se modère nettement : en effet, l’anticipation de la RE2020 a généré une abondance de dépôts fin 2021 qui, compte tenu des délais d’instruction (d’environ trois mois pour l’individuel) a boosté les autorisations au premier trimestre. A fin mai, 502 800 logements étaient autorisés sur un an (dont 46 % en collectifs), soit + 16,4 % par rapport à l’année précédente. Mais sur les trois derniers mois (mars à mai), le rythme fléchit sensiblement sur l’individuel par effet de contrecoup (- 11,9 % par rapport au trimestre précédent) à la différence du collectif encore soutenu (+ 16,6 %). Ce stock de permis, qui préfigure les futurs chantiers, devrait alimenter la demande de matériaux au moins sur 2022-début 2023 sauf si les pesanteurs actuelles continuent de limiter l’ouverture des travaux et d’en freiner les délais de réalisation. Côté non résidentiel, le rebond des permis et mises en chantier reste quant à lui bien engagé et constitue un facteur de soutien plutôt encourageant. Avec 27 millions de m² de locaux commencés à fin mai sur un an (+ 8,3 %), le rythme de progression s’est accéléré sur les trois derniers mois (+ 20,2 %), permettant de renouer avec les niveaux d’avant la pandémie. Quant aux surfaces autorisées, elles s’inscrivent sur une tendance de + 10 % sur les trois derniers mois, les ouvrages commerciaux (+ 66,7 %), industriels (+ 32,1 %) ou encore les bureaux (+ 22,4 %) affichant les plus fortes accélérations. Le tableau apparaît un peu plus sombre côté travaux publics où l’activité a également connu un freinage depuis mars. En dépit d’un mois de mai mieux orienté, les travaux réalisés en cumul depuis janvier se stabilisent sur un an en valeur mais ressortent en repli de - 8,6 % en volume. De même, les prises de commandes, bien qu’en hausse de + 4,6 % en valeur sur la même période, basculent en baisse de - 4,8 % en volume, une fois corrigées de l’inflation des coûts (par l’indice TP01). Alors que les conditions étaient réunies pour un réveil des carnets (cycle électoral, Plan de relance…), l’atonie de la commande publique éloigne encore la perspective de redémarrage des travaux.
Un ajustement de la demande des matériaux
Dans le bâtiment comme dans les TP, les contraintes d’offre, l’inflation des coûts, des prix et des devis pèsent donc sur le volume des chantiers en cours ou à réaliser ce d’autant que le stock de commandes peine à s’étoffer, comme pour les travaux publics. Ce faisant, l’ajustement de la demande de matériaux devrait être plus marqué côté granulats que BPE : initialement attendue autour de +1% en 2022, l’activité des granulats pourrait se replier de – 4 % tandis que les volumes de BPE, qui devaient se stabiliser à leur haut niveau de 2021, enregistreraient un recul de -3 %.