David Habrias, Directeur Général Associé en charge de l’Architecture du Groupe Kardham nous livre sa vision des nouvelles tendances et de l’empreinte environnementale du bâtiment.
Prescription Béton : La façon de construire change-t-elle ? Les besoins ? David Habrias : La crise a été un accélérateur d’une prise de conscience écologique et de la nécessité de construire différemment. Un virage que l’on avait déjà amorcé depuis longtemps chez Kardham. Les enjeux liés au développement durable ont en effet toujours fait partie intégrante de l’ensemble de nos projets et cela a toujours été profondément ancré dans nos convictions qu’il faut améliorer l’empreinte environnementale du bâtiment. Ainsi, depuis de nombreuses années nous nous sommes dotés d’une ingénierie environnementale partant du principe que l’on ne peut pas dissocier, dans le cadre d’une démarche vertueuse, les conceptions architecturale et d’ingénierie. Nous travaillons beaucoup avec des outils de conception paramétriques qui nous permettent d’avoir une approche d’écoconception structurée et qui vont plus loin que la simple réflexion sur comment doit être orienté un bâtiment dans son environnement pour que ses utilisateurs bénéficient d’une belle lumière ou encore qu’il soit agréable à vivre. Avec ces outils, l’algorithme est capable d’étudier tous les scénarios jusqu’à obtenir la solution la plus performante du point de vue thermique, en termes d’utilisation de la lumière, de vents dominants, d’optimisation des développés de façade, etc. C’est une révolution en matière de gain de temps et d’efficacité. Aussi, les bâtiments que nous concevons ont vocation à être évolutifs, capables de changer d’usage au fil du temps ce qui est également un gage de durabilité. Dernier point d’amélioration, le décret tertiaire qui peut être vu comme une opportunité : en imposant une contrainte d’optimisation énergétique, il amène à réfléchir à l’optimisation globale du bâtiment et à repenser l’ensemble de sa structure. Cela donne lieu à de beaux projets de restructuration qui permettent de donner une nouvelle vie aux bâtiments.
Prescription Béton : Parlez-nous du bas carbone... D. H. : Le démarrage de la réglementation RE2020 avec un nouveau mode de calcul de l’analyse du cycle de vie du bâtiment qui survalorise les matériaux biosourcés est un élément important dans la réduction de l’impact environnemental de la filière. Jusqu’ici, les réglementations thermiques nous poussaient parfois à prendre des décisions à l’encontre du bon sens comme par exemple celle d’utiliser des matériaux certes naturels mais peu écologiques car nécessitant un acheminement important. Parmi les matériaux biosourcés, le bois est le plus évident, même si son prix s’est envolé récemment et qu’il subit des problèmes d’approvisionnement. Mais on réfléchit aussi à d’autres types de matériaux, comme les isolants végétaux, en liège ou en chanvre. Les systèmes de béton de terre commencent également à se développer. Et il y a évidemment le béton, un matériau très intéressant car recyclable en fin de vie et qui bénéficie de la part des industriels d’investissements importants pour réduire son empreinte carbone. Chez Kardham on privilégie de plus en plus les structures mixtes : on utilise le béton là où il est le plus intéressant, puis on le mixe avec d’autres matériaux, comme le bois ou le métal. C’est tout l’intérêt de ce que l’on appelle « la biodiversité constructive » : utiliser les bons matériaux pour les bons usages afin de ne pas avoir des partis-pris, tout bois ou tout béton, qui vont nécessairement perturber le marché en termes de prix et de disponibilité du fait du principe de la loi de l’offre et de la demande. Il faut également penser plus local et utiliser les ressources avec lesquelles le tissu d’entreprises du territoire est habitué à travailler. Plus on gagnera en souplesse, plus on fera des projets composites et adaptables à un contexte local et plus cela bénéfique, pour l’environnement et pour le développement d’un territoire.
Prescription Béton : Quel est l’intérêt du béton ? Son futur ? D.H. : Notre pôle R&D a mené un projet sur la performance environnementale de l’impression 3D béton. L’étude porte sur l’optimisation de la quantité de matière dans la conception des éléments structurels ou encore sur l’évaluation des méthodes d’impressions 3D qui permettaient de remplacer des voiles bétons traditionnels par des structures 3D imprimées. La conclusion de ces travaux offre une piste intéressante à étudier parce que cela permet effectivement d’économiser de la matière et de l’énergie et d’améliorer l’imapct carbone et climatique. Cela laisse entrevoir aussi des approches sur-mesure plus fines, par exemple imprimer un mur en 3D béton, puis apporter une flexibilité sur certains éléments comme les réservations pour la menuiserie. Enfin, un des axes de réflexion est d’essayer de favoriser cette transition entre la conception architecturale via la maquette numérique, le BIM, et la façon dont le bâtiment va être construit derrière. L’impression 3D offre de belles promesses pour automatiser le process entre la conception et la mise en œuvre, tout comme la démarche BIM permet d’améliorer la traçabilité des composants tout au long du cycle de conception et de vie du bâtiment.
Prescription Béton : Selon vous, comment construire mieux, plus vite et plus durable (et moins cher) aujourd’hui ? D.H. : La seule façon d’y parvenir est d’être frugal. Il y a une logique entre être plus vertueux et moins cher. En théorie, pour être plus responsable du point de vue environnemental, il faut utiliser moins de matières, donc in fine le coût devrait être moindre. Il faut réfléchir à des systèmes constructifs plus simples à la fois pour économiser sur la matière et être plus rapide sur la mise en œuvre du chantier. Cela veut donc dire être dans le low-tech, et rejoint ce que l’on disait sur l’écoconception. Un bâtiment bien isolé, bien pensé dans son orientation, dans son utilisation du soleil, des vents, a besoin de beaucoup moins d’équipements pour l’entretenir, le chauffer ou le rafraîchir. L’eau, aussi, est un sujet intéressant que l’on traite de plus en plus en amont des projets. C’est un élément naturel qui a un coût alors qu’il existe des systèmes de récupération d’eau qui permettent de réaliser des gains non négligeables sur l’ensemble de la durée de vie du bâtiment. Enfin, les projets mille-feuille qui empilent des couches de matériaux vertueux, souvent imposés par les évolutions des différentes réglementations, finissent par impacter défavorablement le coût d’un projet, toujours du fait du principe de la loi de l’offre et de la demande sur ces matériaux. Etre plus économe sur la construction passe par une approche sobre et agile de l’utilisation des matériaux pour que les filières puissent s’autoréguler.
