Le secteur du bâtiment affronte une crise violente dont la portée va bien au-delà de son propre périmètre. Tout juste sorti des effets de la pandémie, il doit se battre face à un contexte inflationniste et à un attentisme de la demande. Des fournisseurs de matériaux en passant par les entreprises du BTP ou encore les artisans, chacun s’accorde à dire que 2024 sera une année périlleuse. Pourquoi ?
Tout d’abord, les prévisions de croissance du pays, estimées à 0,9 %[1], ne devraient guère faire ralentir la hausse des prix des matériaux et de l’énergie (l’inflation 2024 serait d’au moins 2,6%). Ensuite, les annonces du gouvernement, contradictoires, n’instaurent pas un climat de confiance suffisant pour relancer les affaires. La fin progressive du dispositif Pinel en soutien à la construction neuve et le resserrement du prêt à taux zéro (PTZ) pour l’accession à la propriété ont douché les espoirs des investisseurs potentiels.
Des réflexes sécuritaires
Par ailleurs, la baisse du pouvoir d’achat et les conflits sur la scène internationale orientent les Français vers une épargne sécuritaire. 38% d’entre eux ont décidé de reporter ou d’annuler leurs projets immobiliers, préférant placer leur argent sur un produit réglementé dans l’attente[2]. S’agissant de la rénovation, l’Etat a abondé MaPrimeRénov à hauteur de 1,6 milliard d’euros de crédits. Ainsi, l’amélioration de l’habitat devrait connaître une croissance de 1,6% par la montée en puissance du dispositif, les Français souhaitant des logements moins énergivores[3]. Du côté de la commande publique, les prévisions ne sont guère florissantes : les collectivités locales préparent des budgets dans un environnement incertain, estimant parfois que la récente loi ZAN risque de bloquer le potentiel foncier de leur territoire. Le Bâtiment entre donc dans une récession assez forte et devrait voir son chiffre d’affaires reculer de 5,5% en volume l’année à venir, entraînant la perte de 90.000 postes. Autant dire une petite catastrophe ! Compte tenu de leurs effectifs, les artisans et professionnels du BTP estiment que leurs carnets de commandes leur assurent pour le moment 8,2 mois de travail[4]. Cependant, ils disent n’avoir aucune visibilité au-delà et s’inquiètent de la solidité de leur trésorerie.
Des conséquences en cascade
Hélas, les conséquences de ces prévisions négatives ne vont pas se limiter au seul secteur du BTP mais bien se répercuter sur la santé économique du pays déjà bien fragile. Pas moins de 3 projets de loi sont en attente d’examen à l’Assemblée Nationale pour sensibiliser le Gouvernement. En effet, bloquer le parcours immobilier des Français revient à gêner leur mobilité professionnelle et plus généralement la réindustrialisation du pays. Réduire l’offre locative dans son ensemble alors que la demande est forte s’avère incompréhensible et encourage d’ailleurs une hausse des loyers. Une grande Loi sur l’immobilier/Logement serait prévue au printemps prochain. Tous les acteurs espèrent qu’elle va tenir ses promesses et redonner de l’oxygène à un segment majeur du PIB de notre pays. Mais aussi préparer l’avenir en soutenant l’émergence du bas carbone qui doit propulser la construction dans une nouvelle ère. Sans ce double soutien, le Bâtiment risque d’être rapidement friable et voir de nombreuses PME et petites entreprises disparaître, étouffées par les charges et l’absence d’activité. L’Etat doit donc envoyer un signal fort : déverrouiller toute une chaîne de valeurs aujourd’hui grippée, en facilitant l’accès au crédit des particuliers, en stoppant l’empilement des normes et des lois, en assurant une stabilité fiscale des dispositifs (PTZ, Pinel, etc.). Les propositions ne sont pas exhaustives mais une chose est sûre : la France a besoin d’un plan d’urgence pour éviter une catastrophe largement annoncée.
[1] Projections macroéconomiques - Banque de France – 19 Décembre 2023. [2] Le baromètre de l’épargne, de la retraite et des placements - Odoxa-Groupama pour Capital et BFM 22 novembre 2023. [3] Note FFB - Le bâtiment entre en récession. Réveillez-vous ! - 13 décembre 2023. [4] INSEE - Enquête mensuelle de conjoncture dans l’industrie du bâtiment - décembre 2023