Un soutien insuffisant de l’Etat et une entreprise qui peine à obtenir de véritables gains de productivité. Tel est le bilan des magistrats de la haute juridiction financière dans un rapport paru le 4 décembre.
Hasard malencontreux du calendrier : le rapport de la Cour des comptes chargé d’évaluer les résultats de la réforme de 2014 est tombé alors même que les effets de la nouvelle réforme ferroviaire n’ont pu donner le moindre fruit. Conciliants, les magistrats financiers ont cependant intégré à leur travail les effets supposés du nouveau pacte ferroviaire promulgué le 27 juin 2018 et transformant notamment l’établissement en société anonyme à capitaux publics. Ils n’en restent pas moins alarmistes et, pour reprendre un des titres du rapport, estiment que « le modèle financier est en échec ».
Financer le renouvellement du réseau et stopper l’endettement Le premier constat pointe du doigt l’insuffisance des investissements annuels de renouvellement de l’actuel contrat de performance 2017 – 2026. Portés à 3 Md€ en euros courants en 2020 puis se stabilisant, ces investissements convertis en euros constants conduiront, d’après les experts, « à réduire de fait les efforts d’investissement dès 2020 et à atteindre à partir de 2022, un niveau inférieur à celui de 2017 ». Dans ce contexte, l’annonce du premier ministre d’une augmentation des investissements de 200 millions d’euros supplémentaires par an à compter de 2022 ne « répondra pas à tous les besoins de rénovation et de modernisation du réseau » estimentles rapporteurs qui reprennent à leur compte le chiffre de 500 M€/an avancé par SNCF réseau. Quant à la reprise d’une partie importante de la dette (35 Md€), elle est jugée justifiée car, d’une part, les redevances ne peuvent à elles seules dégager des marges suffisantes, et d’autre part, « il faut solder l’insuffisance de financement par l’Etat des investissements dont il est en grande partie responsable » (en décidant notamment la construction de nouvelles lignes à grande vitesse).
Des efforts de productivité attendus Mais il n’y a pas que l’Etat qui est épinglé par les magistrats de la rue de Cambon. SNCF Réseau se voit reprocher ses difficultés à se moderniser. Sont notamment pointés les retards concernant à la fois le programme de commande centralisée des aiguillages décidé en 2016 et le système industriel de production des horaires (SIPH). Le bilan concernant la programmation des travaux est également très mitigé : « n’étant pas réalisée au plus juste, la programmation des travaux conduit à réserver à l’excès des sillons sui se retrouveront pour partie inutilisés » alerte la Cour des comptes. Autre écueil, la mise en œuvre jugée trop lente des programmes de maintenance. Pour autant, la Cour accorde tout de même quelques bons points à Patrick Jeantet, en particulier sur l’industrialisation des travaux avec l’arrivée des suites rapides, le recours à la sous-traitance afin de bénéficier des innovations technologiques des entreprises de travaux ou encore l’utilisation des technologies digitales avec en ligne de mire la maintenance prédictive du RFN.
Instaurer un équilibre économique durable L’antienne mainte fois répétée dans le rapport concerne les gains de productivités. Sans eux, la marge opérationnelle de SNCF réseau ne pourra que se réduire par « la conjugaison de produits de redevances stables et des charges d’exploitation en hausse ». Dans ce contexte, les magistrats se félicite des engagements du gestionnaire de réseau à afficher des gains de productivités plus crédibles et à gagner en efficacité en termes d’organisation. Plus précisément, la nouvelle organisation Nouvel’R mise en place par la direction va dans le bon sens conclut la Cour avant d’exhorter l’Etat, SNCF Réseau et l’ensemble des syndicats du personnel à négocier des accords qui permettent à l’entreprise de gagner en agilité. Sans oublier de trancher quant à l’avenir des lignes du réseau secondaire, en lien avec les régions.