Geneviève Viguier, directrice technique de la SHEM. (Crédit DR)
Titanesques et exceptionnels, car ils n’ont lieu qu’une fois tous les 50 ans, les travaux menés par la Société hydroélectrique du Midi (SHEM, filiale d’ENGIE), consistent à remplacer l’ensemble des 7 tuyaux qui amènent l’eau sous pression du barrage de l’Oule jusqu’aux turbines installées dans la centrale hydroélectrique d’Eget (Hautes-Pyrénées) en une seule conduite forcée. Un projet réalisé selon un cahier des charges qui prend pleinement en compte les enjeux de protection de l’environnement et de la biodiversité. Un défi pour ceux qui y travaillent comme l’explique Geneviève Viguier, directrice technique de la SHEM.
En quoi les travaux en cours sur l’usine hydroélectrique d’Eget sont-ils monumentaux ? Geneviève Viguier : Il s’agit d’un des plus importants chantiers de remplacement de conduites forcées des Pyrénées ! Objectif : changer les 7 conduites hydrauliques de 56 cm de diamètre installées il y a plus de 100 ans, par une seule conduite de 1,10 m de diamètre. Ce chantier, c’est 750 m linéaires de travaux sur un dénivelé de 450 m avec une pente à 70 %. Plusieurs ateliers sont mobilisés : mécanique, usinage-soudure, génie civil… Des moyens exceptionnels sont mis en place avec près de 40 ouvriers. Un blondin (téléphérique de chantier provisoire) capable de porter des charges de 7 tonnes a été installé en amont. Et pour accéder au site ? Un échafaudage avec plus de 2500 marches a été construit, soit plus que les marches de la tour Eiffel !
Dans de telles conditions, comment assurez-vous la protection de la biodiversité sur ce chantier ? G. V. : Pour l’ensemble de ces actions en faveur de la biodiversité, nous dialoguons avec nos parties prenantes locales, associations, ONG et institutionnels, en visant une protection environnementale adaptée aux spécificités du territoire. Pendant toute la durée des travaux, nous veillons à respecter la biodiversité en maintenant le débit d’eau réservé, c’est-à-dire le débit minimal d’eau imposé par l’autorité administrative aux propriétaires ou gestionnaires d’un ouvrage hydraulique (barrage, seuil, unité hydroélectrique...) pour assurer un minimum d’écoulement aux rivières et ruisseaux. Cette mesure permet ainsi de protéger les écosystèmes aquatiques et ceux en proche périphérie du lit du cours d’eau. Ensuite, les travaux ont inévitablement un impact sur l’environnement autour de nos ouvrages. La DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) veille à l’application des normes environnementales du Code de l’Environnement. Le cahier des charges de la SHEM s’inscrit dans cette démarche et au-delà avec pour objectif de placer la préservation de la biodiversité au cœur de nos actions.
Quels sont les impacts sur les travaux ? G. V. : Nos exigences impactent jusqu’à la sélection de nos fournisseurs. Ces derniers ne peuvent gagner un appel d’offres qu’en répondant à des conditions précises, telles que la mise en place de mesures d’évitement visant en prendre en compte l’ensemble des prescriptions découlant des inventaires faune-flore mandatés et portés par la SHEM. Ces solutions d’évitement et de réduction des effets sont étudiées très en amont. Sur ce chantier par exemple, le planning a été travaillé suivant les recommandations du Parc National des Pyrénées et de la Ligue de Protection des Oiseaux pour offrir plusieurs options au regard des activités bruyantes à proscrire autour des nids de grands rapaces signalés sur l’application ALAIR (« Application de localisation des aires de rapaces »). Sur ce site, les partenaires se sont focalisés sur la période de reproduction du gypaète barbu, l’espèce de rapace la plus rare d’Europe en adaptant nos plans de vols en hélicoptère (horaires, circuits…). D’autres options retenues comme le blondin ou l’échafaudage, au-delà des aspects techniques, ont aussi des vertus environnementales en limitant les rotations d’hélicoptères pour le premier et le piétinement pour le second, favorisant ainsi la préservation des stations de serpolet et du petit papillon associé, l’azuré. Le choix de la SHEM de ne pas autoriser les travaux de nuit a été dicté par le souhait de préserver la quiétude des chauves-souris.
D’autres engagements environnementaux au niveau de l’organisation des travaux ? G. V. : Nous nous engageons également pour un chantier zéro-déchets : l’entreprise titulaire du marché distribue aux ouvriers, par exemple des gourdes réutilisables pour limiter les déchets plastiques ainsi que des cendriers de poche. Il est à souligner que la SHEM a développé un protocole de « monitoring environnemental » qui permet de mesurer de manière claire l’état de différents indicateurs, marqueurs de la biodiversité. Assorti d’observations sur nombre d’espèces endémiques (rapaces, loutre, desman, chauves-souris…) ce monitoring permet d’objectiver les effets de notre exploitation sur la qualité du milieu et de vérifier ainsi le résultat de nos engagements. Les collaborateurs et prestataires sont formés et encouragés à mesurer eux-mêmes les conséquences de leurs actions. Au démarrage de chaque chantier, un écologue sensibilise aux espèces et zones remarquables en lien avec l’opération.
En quoi est-ce que l’ancrage régional influence le quotidien des travaux ? G. V. : La SHEM a un ADN particulier. Elle entretient un lien très fort avec son territoire et avec les entreprises locales depuis un siècle. Les collaborateurs de la SHEM ont donc naturellement cette sensibilité vis-à-vis des paysages de haute montagne et sont extrêmement fiers de produire une énergie locale, propre et respectueuse de l’environnement. Nous sommes donc les premiers à bénéficier de ce que nous mettons en œuvre au quotidien pour préserver la biodiversité.