Lors de la conférence « Territoires Connectés » 2024, Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep, à fait part de ses inquiétudes quand au planning d’extinction du cuivre. La faute à la complétude fibre optique qui se feraient désirer.
Et Laure de La Raudière de rappeler qu’en 2016, seulement 30% des habitations des zones rurales avaient accès au très haut débit, contre plus de 65% dans les grandes villes. La France se situait alors à la 26ème place du classement européen « DESI » en matière de connectivité. Le Plan France très haut débit est passé par là et avec les efforts colossaux de toute une filière, des opérateurs, des collectivités et de l’Etat, la situation s’est transfigurée. Pour le fixe, près de 90% des locaux sont rendus raccordables à la fibre. Un progrès dont chacun ayant participé à cette évolution peut être fier.
Une période charnière
Toutefois, la présidente de l’Arcep met en garde pour la suite : "nous entrons maintenant dans une période déterminante pour qualifier le succès de la fibre optique, celle qui nous permettra avec le recul de dire que « oui, nous avons été collectivement à la hauteur des objectifs fixés en matière d’aménagement numérique du pays ». Pour les Français, ce succès dépendra de trois conditions. En premier, la complétude des réseaux fibre, en second, leur qualité et enfin, la réussite du passage du raccordable au raccordé." Et de rappeler ainsi qu’il reste encore 1 local sur 10 à rendre raccordable alors même que l’on constate un fort ralentissement des déploiements, confirmé par les chiffres du deuxième trimestre de 2024. Par rapport à l’année dernière, c’est en effet une baisse de 25 % qui est constatée. "La complétude des réseaux fibre, c’est une obligation réglementaire, c’est aussi un préalable à la fermeture du réseau cuivre. Nous serons donc intraitables sur la complétude des réseaux, sur le respect des engagements pris par chacun. C’est ainsi que nous avons mis en demeure Orange et XpFibre au printemps 2024 sur près de 9 000 points de mutualisation (PM) et plus de 600 000 locaux en zone AMII", souligne Laure de La Raudière.
Pas de fibre = encore du cuivre
Un premier relevé géographique prévisionnel publié en juillet dernier a révélé que le déploiement des réseaux fibre ne sera pas terminé sur certains territoires, ou dans un certain nombre de communes à la date annoncée par Orange pour la fermeture commerciale du réseau cuivre. C’est le cas notamment dans plusieurs communes des zones très denses. "Il n’est pas acceptable, en effet, de voir aujourd’hui certaines grandes métropoles moins bien couvertes que la moyenne nationale. C’est aussi le cas dans certaines communes des zones AMII, où l’Arcep sera particulièrement vigilante au respect par Orange de ses nouveaux engagements pris devant le gouvernement en février 2024", martèle la présidente qui souligne bien que "pour pouvoir fermer le réseau cuivre, il faut que les réseaux fibre soient complets". Le message concerne Orange, bien sûr, mais il concerne aussi tous les opérateurs d’infrastructure sur tous les territoires. C’est d’autant plus important que la France entre dans la phase opérationnelle de la fermeture du cuivre. Les 200 000 locaux du lot 1 seront fermés techniquement dans 4 mois, les 900 000 locaux du lot 2 et les 2,5 millions de locaux du lot 3 ont été arrêtés et la liste de 7 millions de locaux du lot 4 est actuellement en phase de partage et de discussions avec les collectivités. Et vu l’état du déploiement, la présidente de l’Arcep est claire : "des reports de calendrier seront en l’état à prévoir pour la fermeture commerciale prévue le 31 janvier 2026. Orange a répondu à notre demande et a d’ores et déjà débuté l’information des opérateurs d’infrastructure et commerciaux pour indiquer une première liste de communes qui feront l’objet de report".
Du poing sur la table !
Des réseaux partout, complets, oui, mais il faut des réseaux bien construits. Les plans de reprise des réseaux les plus accidentogènes, notamment ceux en cours par XpFibre ou Altitude, apportent des résultats encourageants dans les communes où les travaux ont été faits. Néanmoins, là où la patronne de l’Arcep n’est pas contente, c’est sur le plan d’action de la filière présenté en septembre 2022, il y a deux ans, sur l’amélioration générale des processus de raccordement, qu’il s’agisse de la formation des agents d’intervention, leur labellisation, ou la mise en place des outils de contrôle (les comptes-rendus d’intervention photos ou l’application « e-intervention »). "tout ceci tarde à apporter des résultats concrets et satisfaisants pour les Français. Je reçois encore de trop nombreux témoignages des galères vécues de clients, baladés entre leur opérateur commercial et l’opérateur d’infrastructure, se renvoyant la balle de la responsabilité de l’échec au raccordement. Le statu quo n’est plus tenable. Est-ce là la promesse d’accès de référence qui a été faite aux français ? Non.", tempête Laure de La Raudière qui assure que "l’heure n’est vraiment plus à chicailler sur la responsabilité du voisin ou sur la mise en œuvre d’un énième process. L’heure est aux résultats et à l’amélioration concrète de la qualité des interventions".
Du raccordable au raccordé
Parallèlement à ces enjeux très opérationnels de qualité des réseaux fibre, l’un des grands enjeux de demain est la résilience des réseaux, c’est-à-dire la capacité de nos réseaux à surmonter les aléas et les risques, qu’ils soient physiques, logiciels, organisationnels ou technologiques. Sur ce point, l’Arcep contribue et continuera de contribuer, en apportant son expertise, aux travaux et aux réflexions menés en la matière, avec tous : services de l’Etat, opérateurs et collectivités. Mais c’est bien la notion de local effectivement raccordé qui rendra acceptable socialement la fermeture du réseau cuivre. Cela recouvre schématiquement deux cas de figure. D’abord l’absence de génie civil sur le domaine public : sur ce point, l’Arcep émis une recommandation sur ce sujet en juillet 2023 qui clarifie les responsabilités de chacun, et en premier chef, celles de l’opérateur d’infrastructure sur le domaine public. Le cadre est posé. Ensuite, les travaux à réaliser en partie privative. Sur ce point, comme nous entrons dans la phase opérationnelle de la fermeture du réseau cuivre et que ce projet concerne de très nombreux de foyers français, qu’il va susciter de nombreuses questions, il est l’heure maintenant d’avoir un portage politique de la fermeture du réseau cuivre, une communication d’Etat, du gouvernement. "Cela donnera un cadre justifié aux démarches nécessaires des opérateurs, cela permettra aux Français d’anticiper les travaux à faire, cela rassurera sur les solutions de connectivité existante à la place du cuivre. Il me semble aussi qu’un dispositif d’accompagnement des ménages les plus modestes serait aussi bienvenu, mais je laisse ce débat au gouvernement et aux parlementaires…", explique Laure de La Raudière.