Les engins tout-terrain – tels que les pelles et les tracteurs – comptent parmi les engins les plus grands et les plus puissants au monde, nécessitent d’énormes quantités d’énergie et génèrent d’énormes quantités de pollution par machine. Les fabricants ont justement développé des modèles électriques afin d’en réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants. Mais ces machines – compte tenu de leur taille et de leurs heures de fonctionnement – sont difficiles à électrifier, car elles font appel à de très grosses batteries et requièrent un accès régulier à un raccordement au réseau. Jusqu’à présent, l’adoption a été très lente, même sur les marchés relativement progressistes en matière de réduction des émissions liées à la construction.
L’un des principaux défis consiste à faire en sorte que les machines électriques fonctionnent pendant la même durée que leurs équivalents diesel. Contrairement aux voitures particulières, les engins tout-terrain peuvent être utilisés plus de 8 heures par jour et, dans de nombreux cas, bien plus. Pour obtenir les mêmes performances d’une machine électrique, il faut une batterie très grosse et très coûteuse. Non seulement cela rend la machine inabordable, même en tenant compte du coût inférieur de l’électricité par rapport au diesel, mais il peut être difficile de concevoir des machines avec de très grosses batteries (où vont-elles sur le véhicule ?). Il faut également beaucoup de temps pour recharger la batterie, ce qui met la machine hors service et implique des investissements afin d’effectuer le travail qu’elle est censée accomplir. En conséquence, existe-t-il une solution qui permettrait à la fois de réduire le coût de la machine et d’accélérer le temps de chargement ? Quelqu’un développe-t-il des solutions d’échange de batterie ?
L’échange de batterie n’est pas un concept nouveau. Sur le marché des voitures de particuliers, l’échange de batteries a un passé trouble (tous ceux impliqués dans l’électromobilité se souviendront de l’échec de Better Place), même si les constructeurs automobiles chinois tentent de créer un écosystème. Sur le marché des poids lourds, il existe un marché en développement en Chine où plusieurs milliers de camions prennent déjà en charge l’échange de batteries. Pour le hors route, il existe des avancées tangibles en matière de solutions d’échange de batteries qui pourraient contribuer à une adoption plus large des machines électriques.
Des tentatives fructueuses
C’est le cas de l’industriel Sandvik qui produit une chargeuse souterraine électrique à batterie et qui accepte l’échange de batterie. La batterie du véhicule peut être remplacée en 5 minutes sans que l’opérateur n’ait besoin de quitter le véhicule. Cela permet à la batterie d’être rechargée pendant que le véhicule est en cours d’utilisation et minimise le temps pendant lequel la machine ne transporte pas de roches. Komatsu et Honda ont développé conjointement une micro-pelle – la PC05E-1 – qui est une version étendue de la PC01E-1. Elle est alimentée par le Honda Mobile Power Pack e échangeable (un petit pack de 1 kWh) qui peut être échangé à la main. Ce type de machine est adapté aux petits travaux de terrassement et, de par sa taille, est très maniable. ZQuip – une filiale Moog récemment créée – propose une solution d’échange de batterie qui peut être intégrée aux machines diesel existantes en vue de les convertir en machines électriques. Les modules d’énergie ZQuip sont une solution électrique sur batterie indépendante des machines et des industries. Le système échangeable et modulaire crée une solution énergétique durable pour les chantiers en tant que groupe motopropulseur à zéro émission pour les machines et système de stockage d’énergie capable de décharger de l’électricité vers d’autres machines ou équipements sur le chantier (BESS).
Webasto et la société néerlandaise Electric Construction Equipment (E.C.E.) ont collaboré en 2020 dans le but de convertir les pelles Doosan afin qu’elles fonctionnent avec des batteries remplaçables. ECE fait partie de Staad, un distributeur d’équipements Doosan. Les batteries de Webasto sont modulaires et chaque pelle dispose de deux « boîtiers d’alimentation » remplaçables d’une capacité de 140 kWh. Agromec aux Pays-Bas a développé une solution d’échange de batterie pour les tracteurs agricoles. Le tracteur dispose d’une batterie embarquée relativement petite – 70 kWh – qui fournit suffisamment de puissance pour les travaux courts et légers et pour accéder à une batterie. Un pack échangeable de 140 kWh peut être ajouté à l’avant du tracteur, permettant des performances opérationnelles plus longues. Le pack est fabriqué par ECE/Webasto et plusieurs de ces tracteurs sont déjà utilisés dans des fermes et des chantiers de construction aux Pays-Bas.
Quels avantages, au final ?
Construire des machines avec des batteries remplaçables présente de nombreux avantages. Les blocs-batteries peuvent être réduits ou même complètement éliminés de la machine, ce qui réduit considérablement le coût initial et stimule une adoption plus large : 38 % du coût d’une machine hors route électrifiée est la batterie. Les opérateurs peuvent gérer les coûts en sélectionnant le nombre de packs dont ils ont besoin pour une tâche, plutôt que d’acheter une très grosse batterie alors qu’ils ont rarement besoin d’utiliser toute l’énergie stockée. De plus, le problème lié à la recharge – le fait que le véhicule ne soit pas opérationnel – est supprimé puisqu’un pack peut être effectivement remplacé en 5 minutes. Les packs de batteries peuvent être utilisés pour le stockage sur le réseau lorsqu’ils ne sont pas dans les machines – que ce soit pendant la nuit ou hors saison – et cela fournit aux opérateurs une source de revenus supplémentaire. Et enfin, cela pourrait bien s’avérer être une source de revenus lucrative pour les sociétés de location, car elles peuvent fournir un service de batteries aux utilisateurs nécessitant une capacité supplémentaire.
Perturber le marché
D’aucuns diront que l’échange de batteries, qui réduit le coût des machines et résout l’un des problèmes associés à la recharge, pourrait perturber le secteur, mais les déploiements d’équipements électriques sont encore relativement faibles. Face aux inquiétudes croissantes concernant le coût et la disponibilité des biocarburants et des carburants électriques, les équipements hors route à émissions faibles ou nulles pourraient devoir devenir électriques afin de respecter la législation en matière d’émissions. Bien qu’il s’agisse d’un marché très naissant – et certainement pas celui qui génère actuellement des revenus importants – l’échange de batteries a un potentiel.