La première édition lyonnaise du salon des professionnels de l’amiante était l’occasion de faire le point sur une actualité riche en réglementation. C’est donc dans ce cadre qu’une conférence était organisée pour faire le point sur l’actualité amiante et ses évolutions dans les différents métiers concernés, avec la présence d’intervenants, très divers. Petit aperçu des interventions.
Rappelons que l’amiante a largement été utilisée dans la construction pendant de nombreuses années, du fait de ses nombreuses propriétés, avant d’être interdite… C’est la raison pour laquelle, 3 600 produits ont à ce jour été diagnostiqués comme contenant de l’amiante, « Et on en découvre tous les jours de nouveaux ! » ajoutera Daniel Bisson, représentant du Syndicat du retrait et du traitement de l’amiante et des autres polluants (Syrta). C’est dire l’importance du chantier qui attend les professionnels de l’amiante. « Dans la profession du désamiantage, poursuit Daniel Bisson, nous avons souvent été considérés, tout corps d’états et tout intervenant confondu, comme des pyromanes, alors que nous agissons comme des pompiers. Nous intervenons en amont, et en tant que pompier, nous nous devons de faire de l’information préalable. »
L’actualité amiante Le décret 2017-899 du mardi 9 mai 2017 traitant des conditions et modalités du Repérage Avant Travaux de l’amiante, était très attendu par la profession, dans la continuité de la loi travail adoptée le 21 juillet 2016 qui avait introduit l’obligation de repérage amiante avant travaux via l’article L.4412-2. Il vient clarifier et c’est tant mieux, un point fondamental dans la profession. Le décret définit les modalités du repérage amiante avant travaux. Mais il devra être confirmé par 6 arrêtés d’application qui paraîtront au fur et à mesure, jusqu’en 2018 et qui fixeront les modalités techniques, les méthodes d’analyses, les conditions de traçabilité et de cartographie et contenu du rapport. En tant qu’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, le Syrta participe activement à la création de ce cadre réglementaire pour « avoir enfin des textes précis » souligne son représentant. « Nous allons enfin avoir un cadre réglementaire sur ces opérations de repérage préalable aux travaux qui sont le problème fondamental pour l’évaluation des risques et le financement ». Par ailleurs, précise encore Daniel Bisson, « Il appartient à l’opérateur de déterminer la quantité estimée de prélèvements qu’il va effectuer, en toute indépendance. Parc contre, il appartient au maître d’ouvrage de définir le périmètre des prélèvements des sondages à réaliser. En fonction de résultats et de l’avancement des travaux, le maître d’ouvrage pourra demander un complément d’investigation à l’opérateur, qui sera associé en permanence à l’avancement du chantier ». Ce rapport de repérage était exigé au titre des principes de prévention, mais manquait de précision. « Aujourd’hui, ajoute le représentant du Syrta, il faut aider les maîtres d’ouvrage à bien appréhender la réglementation, c’est la première mission, car tout part du maître d’ouvrage. Mais il ne faut pas oublier non plus de prendre en considération, le risque financier ». Depuis le 1er janvier, on compte 900 décès et 2800 maladies professionnelles imputés à l’amiante. L’amiante est la 2e source de maladie professionnelle pour les salariés. C’est pourquoi le Systa a décidé : « Nous devons aider nous professionnels, les maîtres d’ouvrage en amont dans l’évaluation des risques ». « Quand un opérateur SS 4, annonce des sondages destructifs, et bien la première personne qui prend un risque c’est lui, car il aura les résultats d’analyse après. Un mode opératoire pour un SS4 est une obligation et pas une recommandation. L’opérateur fournira une vraie évaluation des risques, de conseil, il faudra s’appuyer sur les recommandations que doivent faire les opérateurs de repérage, c’est un vrai partenariat qui se met en place » souligne Daniel Bisson « L’opérateur de repérage doit être absolument indépendant du maître d’ouvrage, ou du donneur d’ordre ou du propriétaire qui peuvent le solliciter, c’est un principe » lance Maître André Vianes, juriste. « Le grand intérêt de la réglementation actuelle dans son évolution, c’est de donner des responsabilités indépendantes mais en même temps simultanées, au donneur d’ordre, mais aussi, au maître d’ouvrage ainsi qu’à l’opérateur de repérage. Ainsi chacun se voit fixer ses obligations par ce cadre nouveau. Et enfin, l’entreprise de désamiantage délivrant un diagnostic complet peut ensuite effectuer elle-même ses propres opérations. À chacun son métier » ajoute-il. « Il arrive que les maîtres d’ouvrage nous demandent de limiter le nombre de prélèvements, ceux-ci coûtent beaucoup plus chers que la prestation réalisée le diagnostiqueur, c’est donc un enjeu important, lance à son tour Pascal Roussilon, société Socobat Expertises, représentant de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (FIDI). Un diagnostiqueur professionnel ne se laissera jamais influencer par ces demandes. À lui de faire son travail de la manière la plus professionnelle possible, pas question non plus de considérer que tout le bâtiment puisse être amianté an cas de retour positif. Il faut approfondir certaines recherches. Pour cela, le diagnostic doit se prévoir à l’avance, sans précipitation. La phase d’études prendra un certain temps. »
Le cadre d’intervention « Attendue normalement en juillet, la norme NF X 46-020 révisée et de son utilisation pour les marchés publics, prévue pour septembre 2017, devrait enfin apporter un code réglementaire, un ordonnancement dans la façon de concevoir, de rédiger et de faire de la prévention. La fin de la période transitoire sur l’obligation d’avoir une mention pour réaliser les Repérages Amiante avant Démolition interviendra dès le 1er juillet prochain. « Cette obligation est importante car la recherche de l’amiante dans le bâtiment devra demander une formation spécifique. Elle devra faire l’objet d’une mention qui sera adaptée à la nature des investigations demandées par le maître d’ouvrage, ainsi qu’une adaptation à l’ouvrage selon sa particularité « technique » », précise Daniel Bisson du SYRTA.
Faire de l’information et de la prévention Sébastien Paquet, représentant de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Auvergne-Rhône Alpes : « J’accompagne régulièrement les agents de contrôle sur les chantiers. Lorsque l’on s’adresse à ceux qui travaillent sous section 4, le travail d’information est énorme. De plus, nous ne sommes pas submergés demandes d’avis sur des modes opératoires… Sous section 3, le bilan aéraulique est très important et très difficile à réaliser, il demande une grande expertise, des connaissances techniques et du bon sens… Nous avons là un gros travail à faire avec les entreprises. Mais cela nous tient à cœur, car sur un chantier sous section 2 ou 3, l’aéraulique de chantier sera un élément prépondérant par rapport à la protection de l’environnement et des opérateurs. » Actuellement, sur 100 interventions réalisées par l’inspection du travail, seules 3 donneront lieu à des procès-verbaux : « Aujourd’hui, c’est bien une phase de prévention et non de répression qui est en place, car il y a encore beaucoup de travail à faire, ensemble » ajoute Sébastien Paquet.
Pierre- Alban Doucet, représentant de la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail, (CARSAT) de Rhône Alpes : « En terme de prévention, il y a encore beaucoup de choses à accomplir. À chaque niveau, la bonne information, chacun a une clé pour participer à la maîtrise du risque ». Les actions concrètes de la Carsat ? « Depuis 2014, au niveau national, le risque amiante est redevenu une priorité, un enjeu de santé publique, et nous sommes devenus alors en Rhône Alpes plus actifs sur la prévention, ainsi, nous rencontrons sur le terrain les donneurs d’ordres. L’amiante a un impact économique important, puisqu’il est le premier poste de dépenses de ma branche (maladies professionnelles et accidents du travail), avec 2,2 milliards d’euros, de l’ordre de 17 % de notre budget global. C’est devenu alors une priorité d’action pour nous. Alors, parler santé et prévention, et décaler plus particulièrement nos actions en amont, sont nos actions pour agir sur ces chiffres… La formation des maîtres d’ouvrage cela démarre par ça, et la certification des entreprises. Sans oublier la formation, qu’elle soit la meilleure possible, tout cela doit faire parti des bonnes pratiques » explique Pierre- Alban Doucet
Les responsabilités évoluent Maître André Vianes, juriste : « Il faut faire remonter le décret à sa source. Sa mère, la loi El Khomri (ou Loi Travail) du 8 août 2016, dont son article 113 a été transposé dans le code du travail. Cette disposition n’est pas dans le code de la construction, ni de la santé, elle vise les maîtres d’ouvrage, donneurs d’ordres ou bien le propriétaire. L’article 113, est passé 4412-2 du code du travail, en vue de renforcer le rôle de surveillance dévolu aux agents de contrôle de l’inspection du travail. C’est une obligation du droit du travail qui porte sur le maître d’ouvrage, bien que sa préoccupation principale au final, est d’avoir un bel ouvrage, solide, fonctionnel, ou esthétique… Cet article de loi s’accompagne de sanctions, une amende maximale de 9 000 euros pour les donneurs d’ordre qui ne se conforment pas aux obligations. Par contre, lorsqu’il y a, de la part du propriétaire, donneur d’ordres, ou maître d’ouvrage, méconnaissance de l’obligation de ce repérage avant travaux, l’amende sera de 3 750 euros par salarié présent sur le chantier. En cas de récidive, on peut aller jusqu’à l’emprisonnement. Précisons que la norme en question ne concerne que le bâtiment, elle ne concerne pas les équipements industriels… »
Les impacts dans le diagnostic et le retrait de l’amiante Pascal Roussillon, société Socobat Expertises, représentant de la FIDI : « C’est un métier qui a besoin d’être défini, car c’est un métier différent. Au niveau des diagnostics, la loi évolue dans le bon sens, mais avant que cela ne se mette réellement en place, cela va prendre du temps. La norme et les arrêtés vont également aller dans le bon sens. On va vers un métier de spécialistes, de professionnels aguerris dans leur métier. Le métier d’opérateur repérage a été très longtemps montré du doigt, car certains rapports sont insuffisants ou incomplets. Parfois, les programmes de travaux n’avaient pas été bien définis, certaines informations n’avaient pas été communiquées, les investigations complémentaires pas toujours faites… Oui, aujourd’hui il y a un poste qu’il ne faut pas oublier, les assistants à maîtrise d’ouvrages, qui pourront apporter plus d’informations, mais également, des maîtres d’œuvre spécialisés… chacun son métier, sa spécialité » conclut-il.
Lors de la conférence organisée sur le salon des professionnels de l'amiante, à Lyon.