On l’attendait, il s’est exprimé mais ne fait pas l’unanimité. Le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a longuement évoqué le logement dans son discours de politique générale. Il parle de "revoir les DPE", "simplifier l’accès à MaPrimeRénov" et "accélérer les procédures.
Survolée par le président Macron lors de sa dernière intervention télévisée, la thématique du logement était très attendue dans le discours de politique générale de Gabriel Attal. « S’il est un secteur qu’il faut déverrouiller, c’est bien le logement », annonce ainsi le nouveau Premier ministre nommé à l’occasion du remaniement du Gouvernement. Et de promettre un « un choc d’offre » alors qu’une crise sans précédent secoue le secteur, grevé par des taux d’intérêt élevé, et une inflation encore haute. « Nous allons simplifier massivement les normes : revoir les DPE, simplifier l’accès à MaPrimeRénov’, faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage, accélérer les procédures », a ainsi déroulé Gabriel Attal. Ciblant « 20 territoires engagés pour le logement », qui seront connus d’ici deux semaines, le Gouvernement entend faire un exemple de ces opérations qui verront s’accélérer « toutes les procédures », « avec comme objectif d’y créer 30 000 nouveaux logements d’ici trois ans ». « Des réquisitions pour des bâtiments vides, notamment des bâtiments de bureaux » pourraient également avoir lieu.
« Faire évoluer » le logement social
Le logement social, qui manque encore cruellement partout, et dans le poing des maires, devrait également avoir droit à son coup de fouet. Le Gouvernement souhaiterait leur « donner la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune ». Le mouvement sera enfin soutenu par la révision du décompte des logements sociaux que les communes doivent respecter au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. « Vous le savez, d’ici 2025, toutes les communes soumises à la loi SRU doivent posséder au moins un quart de logements sociaux sur leur territoire. Nous proposerons d’ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans ce calcul », a précisé le premier ministre.
L’USH s’insurge
Du côté des professionnels de l’immobilier, un consensus : la réponse de Gabriel Attal ne suffit pas. « Des réponses insignifiantes », lâche l’Union sociale pour l’habitat. La fédération représente 566 opérateurs HLM, qui détiennent et gèrent 4,8 millions de logements locatifs et logent environ 10,2 millions de personnes. Et de poursuivre : « Au lieu de revenir sur les réformes du premier quinquennat (...), qui ont mis à mal durablement le logement social, le Premier ministre fait le choix d’une annonce totalement décalée », écrit l’USH, pour qui « rien n’est avancé pour accélérer la production de logements sociaux et répondre aux 2,6 millions de demandeurs » de logement social à fin 2023. Un record historique si l’on en croit l’AFP. « Les 30.000 logements attendus (...) ne représentent même pas le déficit d’agréments de logements sociaux de l’année 2023 », poursuit l’Union qui rappelle que « depuis 2018, le nombre d’agréments (...) n’a cessé de baisser, tombant à 82 000 en 2023 pour un objectif de 110 000 ». Gabriel Attal avait pourtant annoncé « un nouveau prêt de très long terme de 2 milliards d’euros » censé répondre à l’envolée des coûts du foncier. Mais si l’on en croit Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH, cela revient à proposer « des prêts toujours plus longs, à payer toujours plus cher », au lieu de « réguler un marché devenu incontrôlable ».
« Je note que le Premier ministre a oublié de rappeler que l’Etat ponctionnait 1,3 milliard chaque année dans les comptes des bailleurs sociaux », rappelle encore Emmanuelle Cosse qui mentionne ainsi « le dispositif de réduction de loyer de solidarité » : une baisse de 5 euros par mois et par foyer des APL décidée en 2017 et compensée directement par le secteur du logement social, sommé par les pouvoirs publics de baisser les loyers dans les mêmes proportions. Comprendre : ce sont les bailleurs sociaux qui ont pris à leur charge cette baisse des aides, ce qui a grevé leurs capacités d’investissement dans de nouveaux HLM.
La loi SRU pointée du doigt
La loi SRU, adoptée en 2000, contraint les communes en zone urbaine à respecter un taux minimal de logements sociaux (20% ou 25% selon les cas à horizon 2025) et nombre d’entre elles ne s’y conforment pas. Quant aux loyers des logements intermédiaires, ils « sont bien trop élevés pour une grande majorité des classes moyennes », affirme l’USH. Pour preuve, seuls 3% des ménages en attente de logement social y seraient éligibles. Pour les bailleurs sociaux, le changement du mode de calcul « ne règlera en rien le retard pris pour la construction du logement social ». Pire, il participera à « renforcer les ségrégations territoriales ».
A ce sujet, les réactions ne se font pas attendre. « C’est scandaleux d’intégrer dans les quotas de la loi SRU les logements locatifs intermédiaires qui sont destinés plutôt aux classes moyennes, voire aux classes moyennes supérieures », réagit auprès de l’AFP Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. « Il n’y avait déjà pas assez de logements sociaux et là on va donner l’opportunité à des maires qui ne veulent pas accueillir des pauvres sur leur territoire d’accueillir à la place des cadres », a pour sa part commenté un élu de la majorité. Thierry Repentin, président de l’Agence nationale de l’habitat, n’est pas en reste. Il estime que cette annonce « revient à reprendre des propositions faites sous la présidence de Nicolas Sarkozy ». « Le logement intermédiaire, compte tenu de son niveau de loyer et donc des revenus nécessaires pour l’assumer, concerne moins de 5% des demandeurs d’un logement social en France » ajoute-t-il .
Seule l’Association des maires de France semble satisfaite des mesure autour du logements sociaux. Dans un communiqué, elle salue « la reconnaissance de la compétence des maires en matière d’attribution de logements locatifs sociaux ».
La Fnaim monte au créneau
Le discours de Gabriel Attal comportait la mention d’un projet de loi lié aux syndics de copropriété visant à « déverrouiller certaines professions comme les syndics ». Il n’en fallait pas plus pour faire bondir la Fnaim, fédération national de l’immobilier qui met en garde sur d’éventuels égarements. « L’urgence n’est pas à déverrouiller la profession des syndics mais à soutenir leur action et leur rôle déterminant dans la mise en œuvre de la rénovation énergétique des copropriétés. Ne nous trompons pas de combat », prévient Loïc Cantin, son président. « Au regard de l’urgence de la situation, les mesures proposées apparaissent en effet dérisoires et seule une approche dimensionnée, notamment autour d’une réforme de la fiscalité immobilière, pourrait être la réponse d’une relance du marché », a fait savoir pour sa part Sylvain Grataloup, président de l’UNPI, l’Union nationale des propriétaires immobiliers, à l’AFP.