Comment avez-vous traversé la crise sanitaire et les mesures de confinement ?
Comme tout le monde, notre activité s’est arrêtée le 17 mars, la plupart du temps à la demande de nos maîtres d’ouvrage. Elle s’est arrêtée à 90 % sur la dernière quinzaine de mars, puis à environ 60 % au mois d’avril, puisque nous avons repris progressivement en prenant un certain nombre de mesures sanitaires.
Par ailleurs, nous avons eu assez peu de salariés touchés par la Covid-19, soit environ 1 % de nos 470 salariés qui ont été malades et 2 à 3 % qui ont été placés en quarantaine. En revanche, beaucoup de salariés ont bénéficié d’un arrêt de travail lié à la garde d’enfants. De ce fait, notre activité n’aurait pas pu être pleine à 100 %. Enfin, les cadres représentent 40 % de nos effectifs et nous ne pouvions pas mettre tout le monde au chômage partiel, nous avons donc conservé des frais fixes.
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Aujourd’hui*, notre activité a repris à environ 90-95 %, notamment à cause des nombreuses procédures imposées par certains maîtres d’ouvrage et des délais de validation des documents. En effet, il nous faut rédiger un document unique, qui analyse chaque poste de travail à la lumière des risques Covid, ainsi qu’un plan de prévention ou un plan particulier de sécurité pour la santé. Puis on en discute avec le coordonnateur de la sécurité du site afin d’obtenir l’autorisation du maître d’ouvrage pour redémarrer l’opération.
Ensuite, pour reprendre un chantier il faut pouvoir loger et nourrir les salariés lorsqu’ils sont à quelques centaines de kilomètres de chez eux. Ce n’était pas si facile au mois de mars ! De même, lors du transport, il ne peut pas y avoir autant de salariés par véhicule. Pour une même équipe, il faut donc deux véhicules au lieu d’un.
Quels sont les impacts, notamment économiques, de la pandémie de coronavirus sur votre activité ?
Notre chiffre d’affaires a diminué de 35 % en mars, 60 % en avril et 20 % en mai. Pour l’instant, nous estimons donc avoir perdu un mois de chiffre d’affaires annuel, qui s’élève en temps normal à 75 millions d’euros, dont 20 millions avec les sites et sols pollués. Nous ignorons si nous aurons la capacité de le rattraper ou s’il sera dégradé davantage. Comme nous travaillons sur les activités de dépollution, nous réalisons 75 % de notre chiffre d’affaires avec l’industrie. Or, les industriels, eux aussi durement frappés, ont tendance à annuler des commandes ou à les reporter.
Par ailleurs, comme nous sommes exposés à des risques cancérigènes, avec des matières dangereuses comme l’amiante, notre activité a été impactée par l’augmentation du prix des consommables et par leur pénurie. Le prix des combinaisons a été multiplié par trois, celui des masques encore plus, et nous avons dû aller les chercher à l’étranger. Par exemple, nous avons fait venir des combinaisons du Canada. Nous avons des stocks, mais il faut les réalimenter en permanence. La question du stock s’est posée après quinze jours de reprise.
Quelles sont les conséquences pour la filière ? Des entreprises sont-elles menacées ?
En moyenne, les entreprises du secteur devraient perdre environ 10 % de leur chiffre d’affaires sur l’année. Pour l’instant, aucun signal d’alerte n’a été lancé et nous n’avons pas d’inquiétude majeure en ce qui concerne des dépôts de bilan à court terme, notamment grâce au système de prêt garanti par l’Etat (PGE). En revanche, certaines entreprises ayant connu une croissance importante en 2019 s’inquiètent pour leur avenir. Dans le secteur de la dépollution, on compte beaucoup de petites entreprises réalisant entre 1 et 5 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Selon vous, combien de temps sera nécessaire pour un retour à la normale de l’activité ?
C’est compliqué de le dire car cela ne dépend pas de nous. Nous avons constaté une baisse des consultations par les services achats pendant un mois, tandis que certains projets ont été repoussés ou annulés. De même, le nombre d’appels d’offres a été divisé par cinq, alors qu’environ 25 % de notre activité est soumise à la commande publique. Nous pensons tous, dans la profession, que nous pourrons vraiment mesurer l’impact en septembre.
*L’interview a été réalisée le 10 juin.