Nouvelle constellation dans la galaxie des engins légers enraillables, le Cipat développée par le constructeur nantais Cipal se positionne sur le créneau concurrentiel de la maintenance voie et caténaire. Si le premier exemplaire est dédié à des applications ferroviaires sur la Tangentielle Légère Nord, sa conception modulaire lui permet de répondre aux demandes les plus variées.
Après le Rapace Dac pour le remplacement des cœurs et demi-aiguillages, le Rapace Tunnel pour le transport d’hommes et de matériels en environnement contraint, l’entreprise Cipal a développé un nouveau concept d’engin 100 % électrique et de construction 100 % française pour le compte de SNCF Réseau Île-de-France. Ce nouveau-né qui répond au nom de « Cipat » se présente sous la forme d’un ensemble composé d’une base motrice en énergie tout électrique sur laquelle viennent s’accrocher différents modules. « A ce jour, deux couples unité motrice/module sont en cours d’agrément SNCF, l’un pour la maintenance caténaire et l’autre pour la maintenance des voies », explique Eric de Faucal, le pdg de Cipal.
Un premier exemplaire dédié à la TLN Née d’une demande formulée par SNCF Réseau Île-de-France qui exploite via sa filiale Transkeo la tangentielle Légère Nord (TLN), la tête de série du Cipat répond à un cahier des charges inédit dans la mesure où elle doit être capable de travailler sur un gabarit de voies hors norme et supporter des pentes atteignant 65 ‰ ! La ligne de tram-train du TLN établie entre Sartrouville et Noisy-le-Sec se distingue en effet des lignes classiques par deux voies dédiées de largeur réduite qui accueille des trains Dualis de 2,65 m de large au lieu de 2,90 m. « En conséquence de quoi, le mainteneur ne disposait d’aucun engin Rail-Route capable de travailler sur ce gabarit non standard », précise le pdg. Pas de quoi effrayer le dynamique entrepreneur qui a aussitôt appliqué les mêmes recettes qui avaient fonctionné sur les deux premiers Rapaces, à savoir s’appuyer sur une conception modulaire pour proposer un produit industrialisable et reproductible qui réponde à des exigences élevées de fiabilité et de disponibilité, tout en offrant un coût de possession réduit.
Un engin 100 % électrique Equipée d’un pack de batteries lithium-ion délivrant une puissance de 200 kW et regénère du 400 V triphasé, la base motrice offre une autonomie de 16 h sur chantier pour une recharge réalisée en moins de 6 h depuis une prise de courant standard 32A/220V. Dimensionné pour répondre aux contraintes sévères du cahier des charges, le bloc énergie électrique épaulé par un système de secours est piloté par un logiciel qui supervise et optimise en temps réel de nombreux paramètres tels que la tension, la charge et décharge, la puissance disponible, le niveau d’énergie réservée… « Ce cerveau installé dans le ventre du Cipat communique à distance avec nos ingénieurs basés à Nantes » explique Eric de Faucal. Une fonctionnalité particulièrement utile pendant la phase de déverminage durant laquelle les responsables de projet vérifient que le comportement de l’engin est conforme aux attentes : « Tous les déplacements réalisés sur l’engin que ce soit en roue, chenilles ou éléments de levage sont mesurés et transférés via la 4G à Nantes. Ce matin, les ingénieurs ont travaillé sur les déplacements et la régénération d’énergie. C’est-à-dire que ils ont vérifié sur site le comportement physique de l’engin, tandis qu’à Nantes leurs collègues suivaient l’ensemble des courbes d’évolution et rectifiaient différents paramètres afin d’atteindre le freinage le plus efficient possible ».
Un engin passe-partout Économe en temps et en énergie, l’engin l’est également en sillons. Exit les draisines EMC ou les wagons caténaires qui impactent les circulations. Capable de se déplacer sur chenilles hors voie ou sur lorrys jusqu’à 20 km heure une fois enraillé, le Cipat circule en voie sans consignation de la caténaire et sans nécessiter la coupure de la voie contigüe. Pour le transport sur site, la productivité est là encore au rendez-vous avec un engin de 32 t livré sur camion deuxième catégorie sans escorte, ce dernier étant néanmoins muni d’une remorque surbaissée. Côté confort de conduite, le module dispose d’une zone de transport escamotable avec deux postes conducteurs. Posée sur des rails de guide, elle se déplace de manière à ce que l’une des cabines soit toujours au droit du lorry afin que le chauffeur ait une visibilité directe quel que soit le sens de circulation. Enfin, la sécurité n’est pas en reste avec deux types de freinage : le premier en régénération (conversion de l’énergie cinétique par inversion du sens du couple en énergie électrique pour ralentir ou arrêter le véhicule) et le deuxième utilisant des freins à disque .
Une stabilité exceptionnelle Lors des phases de mise en/hors voie avec une plateforme chargée, tout comme durant les périodes de travail, le Cipat conserve une adhérence optimale au sol grâce à une gestion intelligente de la stabilité : « Lors de la montée sur la voie, les chenilles agissent de façon indépendante de manière à conserver l’horizontalité de la plateforme malgré l’inclinaison de la base motrice » note Eric de Faucal. Autre astuce, lors des transferts de masse provoqués par la charge de la grue ou le travail sur nacelles, des capteurs installés au niveau des quatre roues ferroviaires vont commander en rétroaction le déplacement biaxial d’un contrepoids qui va asservir la position du barycentre de la machine à sa valeur de consigne. Résultat : une stabilité à toute épreuve sans appuis au sol. Et si l’on questionne le pdg sur l’avenir de cette nouvelle gamme d’engins, celui-ci confesse qu’il réfléchit à des couples base motrice/module allégés à l’adresse des entreprises de travaux. « Des produits qui répondraient aux demandes les plus variées et qui s’affranchiraient éventuellement d’un certain nombre de fonctions sécurisées redondantes exigées pour notre tête de série par SNCF Réseau ». A l’en croire, de nombreux projets sont d’ores et déjà dans les cartons.