Toujours profondément investi dans la formation des futurs professionnels d’entretien et de maintenance des matériels de BTP, le Club Seimat rappelle l’urgence de la problématique de pénurie de main d’œuvre en France, et sur le Grand Paris. C’est en redonnant confiance à des jeunes qui manquent d’assurance que les constructeurs de matériels et leurs partenaires espèrent susciter des vocations, et parvenir, enfin, à pourvoir aux quelque 3 500 postes de mécaniciens vacants.
Moteur de la bonne santé économique des travaux publics, le Grand Paris n’en représente pas moins un défi de taille sur l’aspect emploi. « Une pénurie a été initiée avec le Grand Paris », explique Philippe Girard, directeur général de JCB France. « Pour être opérationnels, et répondre aux besoins actuels, il aurait fallu agir il y a 5 ans ! ». La priorité aujourd’hui est donc d’accélérer sur la formation, afin de ‘fournir’ des professionnels de la maintenance aptes à prendre en charge l’entretien des milliers de matériels déployés sur le méga projet francilien. « Nous avons la volonté de redonner confiance aux jeunes, jusqu’ici persuadés que les filières technologiques sont pour les ‘nuls’ et qu’ils ne méritent pas mieux. Le Club Seimat agit à deux niveaux : sur leur mobilité et sur leur capacité à se mettre en avant », poursuit Philippe Girard. Ce travail d’encouragement ne peut se faire sans les parents, et démarre véritablement dès le collège au travers de journées découverte, de matinales BTP, d’une présence aux remises de diplômes ou de visites de chantiers. « Il y a une volonté de revenir aux bases. De démontrer qu’il existe de formidables opportunités de carrière dans cette branche ». Avec plus de 1 000 postes non pourvus chaque année, le secteur des travaux publics a beaucoup à offrir. Pour preuve, les effectifs qui s’étoffent d’année en année. En 2018, les entreprises les ont ainsi augmentés de 88% et les effectifs liés à la maintenance des machines représentent maintenant 40% de l’effectif total. 43% des salariés sont des techniciens de maintenance et 94% étaient en CDI en 2018.
L’alternance, la meilleure des options
Des chiffres aux arguments porteurs pour les entreprises décidées à agir. Le stage est déjà un bon moyen d’introduire les jeunes dans un univers parfois mal connu. Chez Merlo France, on ne se fie pas aux qualifications. Seule compte la motivation. Des salons comme Intermat ou le SIMA sont systématiquement l’occasion d’embaucher des stagiaires en BAC+3 ou BAC+5, formés en concession. En parallèle, l’alternance a fait ses preuves. Le chantier du lot 1 de la ligne 16 du Grand Paris emploie à lui-seul 20% de salariés en alternance. Même constat chez Volvo CE France. « Nous accompagnons les jeunes tout au long de la formation jusqu’à l’obtention d’un CDI », confirme Valérie Minguet, directrice des ressources humaines de Volvo Construction Equipment Europe. « Seule exigence : le niveau BAC Pro n’est plus suffisant. Nous recherchons plutôt des profils BTS ».
Une profession exigeante
Pour Philippe Jungblut, responsable des ressources humaines de Bergerat Monnoyeur, outre la nécessaire préparation des enseignants à ne pas négliger, « la disponibilité requiert de susciter des vocations. Nous recherchons avant tout un savoir-être, un état d’esprit, plus que des compétences ». Mais les constructeurs et autres concessionnaires sont pointus. « C’est aussi pour cette raison que nous sommes confrontés à des problèmes de recrutement ». L’alternance, bien que reconnue pour ses bénéficies à long terme, a ses limites dès lors que les besoins en recrutement sont immédiats. « Les concessionnaires, déjà fortement sollicités sur le Grand Paris notamment, n’ont pas le temps de former. C’est une réalité », constate Christophe Camus, recruteur Location et Réparation de matériel chez ACE Consulting.
Elargir le spectre de recherche
Comme beaucoup de secteurs, le BTP et l’environnement – pour ne citer qu’eux – partagent des compétences communes. « Face à l’importante disponibilité des postes de techniciens confirmés, il serait intéressant de créer des passerelles, observe Christophe Camus. Les compétences peuvent se trouver dans les univers connexes au BTP, comme l’agricole ». « Nous réfléchissons effectivement à un tronc commun agricole-TP pour former à l’automatisation dans le cadre du suivi du matériel, de l’accompagnement et de l’aide à la conduite », mentionne de son côté Jean-Marie Osdoit, président du Seimat. Objectif : faire que l’intelligence artificielle soit au service des techniciens, dans une optique de maintenance préventive, et non une contrainte à la formation.
Faire gagner en assurance
« Les problèmes de recrutement s’expliquent pour partie par l’incapacité des jeunes à se présenter aux entreprises, souligne Marie-Sophie Bentouta, chargée de mission emploi à la Maison Emploi Plaine Commune. Ils doivent être mis en situation par le biais d’outils dédiés ». La structure d’accueil des alternants en entreprise a aussi son rôle à jouer. Le technicien formateur doit entourer suffisamment son apprenti. « Or, disposons-nous d’assez de techniciens senior pour assurer cette mission ? Ne devrions-nous pas améliorer la relation école-entreprise ? », s’interroge Jean-Marie Osdoit. Les départs en hausse des alternants à ce poste constituent un autre problème, dans un contexte où la pénurie de main d’œuvre pousse les jeunes apprentis incertains à « sauter dans le grand bain ». « Ces jeunes ont souvent peur de la relation client car pas assez préparés à se confronter à lui. Ce dernier peut avoir une influence non négligeable, dans l’inversion de cette tendance, s’il est sollicité directement dans les écoles », rappelle le président du Seimat.