C’est à l’occasion des Journées des Métiers de DLR que Christophe Guillaneuf de TCG Conseil a exposé la stratégie des constructeurs chinois dans le secteur du TP. Considérés comme une menace il y a peu, ces nouveaux arrivants font désormais bel et bien partie du paysage.
« Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », disait Napoléon Bonaparte, c’était en 1816, il y a plus de 200 ans. Inutile de revenir sur la puissance économique, financière et industrielle de l’Empire du Milieu aujourd’hui pour comprendre que la Chine est devenue incontournable dans le monde. Doux euphémisme. Pour étayer son étude au secteur du TP, Christophe Guillaneuf, du cabinet TCG Conseil, a pris pour exemple le secteur automobile dont il est également un brillant expert. En 30 ans, la production automobile chinoise est devenue la 1ère au monde passant de 3 millions d’unités produites en 1993 à 30 millions de VP produits en 2023. « Pour un marché domestique situé aux alentours des 26 millions d’unités et une capacité de production estimée à 48 millions d’unités », surenchérit Christophe Guillaneuf pour bien insister sur la puissance industrielle de l’Empire du Milieu.
Politique d’électrification massive et à long terme
Autre atout, la production de batterie. Les Chinois ont misé très tôt sur la voiture électrique et nombreux sont les constructeurs locaux à ne se focaliser que sur cette technologie à très long terme. « Les fabricants chinois assurent près de 60% de la production mondiale des batteries alimentant les véhicules routiers, les équipements industriels ou les engins de chantier », assure TCG Conseil. Certains de ces constructeurs, à l’image d BYD ou de CATL disposent d’infrastructures industrielles gigantesques qui permettent de contrôler les productions et de produire à moindre coût pour des prix à l’achat très concurrentiels par rapport aux constructeurs européens, japonais ou américains. « Un véhicule chinois comme la BYD Seal est 35% moins cher à produire qu’un véhicule comparable produit en Europe comme la VW ID.3 avec un différentiel de 10 500 $ par véhicule », estime Christophe Guillaneuf. Autant dire que la voiture chinoise est donc prête à « envahir » nos routes surtout dans un contexte économique difficile, où le prix à l’achat est plus que jamais LE premier critère d’achat.
Sur leur marché domestique, les constructeurs chinois totalisent désormais 60 % des parts de marché, chassant peu à peu les constructeurs étrangers. En Europe, les BYD, Geely, MG Motors, Chery, Great Wall, Dongfeng et autres s’organisent, montent des réseaux et commercialisent leurs véhicules. Fin 2023, 353 276 voitures chinoises étaient commercialisées sur le Vieux Continent captant 2,75 % des PDM. Mais au regard de l’essor du VE en Europe, et vu les capacités des marques chinoises dans ce domaine, leurs parts de marché pourraient grandement croître ces prochaines années. BYD a dépassé Tesla en termes de CA et ce même BYD vient d’inaugurer son 300 ème site de vente en Europe (source JA, ndlr). Et le TP ?
Dans le TP aussi !
TCG Conseil relève dans son étude que les constructeurs chinois n’ont jamais été aussi nombreux : 13 d’entre eux font désormais partie du Top 50 mondial. Parmi ceux-ci, des géants figurent dans le Top 10 (XCMG, Zoomlion, Sany, Liugong). Ces dernières marques sont d’ailleurs celles qui sont le mieux représentées sur le marché français avec des évolutions plus ou moins disparates. Si Sany ou Liugong ont déjà des réseaux bien établis (19 distributeurs pour Sany et 16 chez Liugong), les autre fourbissent leurs armes : Zoomlion a profité de la vitrine d’Intermat pour se montrer sur le marché français et nous savons qu’un réseau d’au moins 14 distributeurs serait en place d’être officialisé prochainement. Quant à XCMG, le constructeur s’apprête, toujours d’après nos informations, à s’y lancer. «La France est un enjeu stratégique pour notre développement en Europe », nous répètent à l’envi les différents responsables de ces constructeurs. Reste à savoir si le succès sera à l’arrivée ?
L’étude menée par TCG Conseil met en évidence plusieurs scénarii. Le cabinet a en effet interrogé près de 100 distributeurs français sur leurs intentions d’acquérir ou non un panneau chinois. « 18% des distributeurs de l’ échantillon ont déjà adjoint au moins une marque chinoise à leur portefeuille, quand 11% envisagent éventuellement de le faire et 71% s’y refusent », révèle Christophe Guillaneuf. Pour ceux qui se disent convaincu par cette « nouvelle » offre, les prix attractifs, la disponibilité des matériels, les délais de livraisons et l’offre électrique sont des atouts non négligeables. En outre, les investissements demandés, les standards de représentations sont moins élevés que chez les concurrents européens, japonais, coréens ou américains. « Plus de 40% des distributeurs les jugent plus souples que ceux mis en place par les autres constructeurs », ajoute TCG Conseil.
Des atouts et des doutes
En revanche, ces distributeurs restent encore circonspects quant à la disponibilité des pièces, de la qualité du service APV, de la barrière culturelle, de la relation avec les constructeurs et des vétos encore très présents des autres constructeurs, très réticents à voir une concurrence chinoise venir leur prendre des parts de marché. Enfin, l’image de marque des constructeurs chinois auprès des clients peut aussi être un frein pour les clients. En conclusion, pour TCG Conseil, les atouts des constructeurs chinois sont indéniables mais bien des doutes subsistent pour les distributeurs, les clients qui retardent l’éclosion définitive de ces nouveaux arrivants. « Mais c’est un fait, conclut Christophe Guillaneuf, il faut compter désormais sur ces constructeurs et ne plus nier leur potentiel ».