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JURIDIQUE/ Les obligations du plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS)

PUBLIÉ LE 2 SEPTEMBRE 2014
NICOLAS POTTIER, AVOCAT À LA COUR, FLICHY GRANGÉ AVOCATS
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JURIDIQUE/ Les obligations du plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS)
L’absence de coordonnateur SPS ne dispense pas l’entrepreneur de remettre un PPSPS (cass. crim., 28 janvier 2014, n°12-85.251).
Peut-on reprocher à un entrepreneur soumis à l’obligation d’établir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) de ne pas l’avoir transmis au coordonnateur de sécurité dans l’hypothèse où ce coordonnateur… n’existait pas faute pour le maître d’ouvrage de l’avoir désigné ? Voilà la question, en apparence absurde, tranchée par un arrêt de la cour d’appel de Rennes, qui a récemment reçu la bénédiction de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Ce contentieux est né, comme c’est malheureusement souvent le cas en la matière, d’un événement tragique : le décès par électrocution d’un salarié à la suite du contact entre une ligne moyenne tension et la flèche de la grue dont il manipulait le câble de levage. Un contrôle de l’inspection du travail et une enquête de police s’en sont suivis et ont révélé diverses irrégularités commises par l’employeur de la victime. Certaines, en lien avec l’accident, ont fondé des poursuites pour homicide involontaire. D’autres, qui n’étaient manifestement pas la cause de l’électrocution, ont également été reprochées au chef d’entreprise devant le tribunal correctionnel au titre des incriminations particulières dont elles font l’objet. Tel a notamment été le cas du défaut de transmission du PPSPS qui, aux termes de l’article L. 4744-5 du Code du travail, constitue un délit puni d’une amende de 9 000 euros maximum. Pour sa défense sur ce point, l’entrepreneur faisait valoir un argument qui semblait, à première vue, imparable : il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir communiqué son PPSPS au coordonnateur alors que le maître d’ouvrage avait lui-même manqué à son obligation d’en désigner un. La cour d’appel ne s’est pourtant pas laissée convaincre : « par sa propre défaillance (l’entrepreneur) n’a pas rempli les obligations visées par l’article (…) L 4744-5 du code du travail ; (…) le délit est dès lors établi et constitué à son égard ». Malgré les apparences, cette décision était prévisible.
   Le rôle du coordonateur

Dès lors que plusieurs entreprises sont appelées à intervenir simultanément ou successivement sur un chantier, le maître d’ouvrage doit désigner, dès la phase de conception du projet, un coordonnateur . Si le chantier est soumis à l’obligation de déclaration préalable ou si des travaux dangereux au sens de l’arrêté du 19 mars 1993 doivent être réalisés, le coordonnateur doit élaborer et tenir à jour un plan général de coordination (PGC) . De leur côté, les entreprises intervenantes, y compris les entreprises sous-traitantes, doivent chacune établir et tenir à jour un PPSPS qu’elles transmettent au coordonnateur . En l’espèce, plusieurs entreprises devaient intervenir et des travaux avec risque de chute de hauteur étaient prévus ; il aurait donc fallu qu’un coordonnateur soit désigné, qu’il élabore un PGC, et que chacune des entreprises intervenantes établissent et lui transmettent un PPSPS. Ces obligations sont liées les unes aux autres : le PGC n’est jamais l’œuvre que du coordonnateur désigné et les PPSPS doivent, aux termes de l’article R. 4532-61 du Code du travail, « (tenir) compte des informations (…) contenues dans le plan général de coordination ». Cela signifie-t-il pour autant qu’un entrepreneur peut se réfugier derrière les manquements du maître d’ouvrage ou du coordonnateur dans l’accomplissement de leurs obligations pour se dispenser des siennes ? Evidemment non : chaque intervenant du chantier demeure responsable des obligations mises à sa charge par le Code du travail. C’est tout le sens de l’article L. 4532-6, qui dispose : « L’intervention du coordonnateur ne modifie ni la nature ni l’étendue des responsabilités qui incombent (…) à chacun des participants aux opérations de bâtiment et de génie civil. ». Même si la vocation première de ce texte est d’éviter que les différents protagonistes du chantier se déchargent de leurs responsabilités sur le coordonnateur (à qui le législateur a confié un rôle central – de « pivot essentiel de la mise en œuvre des mesures de protection des travailleurs » pour reprendre les termes d’un commentateur ), il tend plus généralement à ce que chacun des intervenants au chantier demeure responsable de ses propres obligations . La défaillance du maître d’ouvrage dans la désignation d’un coordonnateur ne dispensait donc pas l’entrepreneur d’établir un PPSPS.
    Le défaut de transmission
Cela étant, ce n’est pas le défaut d’établissement du PPSPS qu’incrimine l’article L. 4744-5 du Code du travail, mais le défaut de transmission de celui-ci à son destinataire, c’est-à-dire, en l’occurrence, au coordonnateur. D’où l’argument de l’entrepreneur poursuivi consistant à dire, en substance, qu’en attendant de lui qu’il transmette son plan à un coordonnateur inexistant, on lui demandait l’impossible. La rédaction-même de l’article L. 4744-5 offrait pourtant une parade facile à ce raisonnement. Ce texte incrimine en effet le fait de ne pas remettre de PPSPS « au maître d’ouvrage ou au coordonnateur » et désigne donc également un destinataire du plan autre que le coordonnateur. On objectera que la mention du maître d’ouvrage comme destinataire du PPSPS n’a pas été prévue par l’article L. 4744-5 pour le cas où le plan ne peut être transmis au coordonnateur faute pour le maître d’ouvrage d’en avoir désigné un, mais concerne en réalité l’hypothèse où une seule entreprise intervient sur un chantier pour y réaliser des travaux dépassant certains seuils de durée et d’effectif . Dans cette situation, alors même que le maître d’ouvrage est dispensé de nommer un coordonnateur (puisqu’il n’y a pas intervention simultanée ou successive de plusieurs entreprises), l’unique entreprise intervenante doit établir un PPSPS, qu’elle remet directement au maître d’ouvrage . Il n’en reste pas moins que, formellement, même en l’absence de coordonnateur, l’infraction définie à l’article L. 4744-5 du Code du travail pouvait être constituée, et l’entrepreneur condamné. Est-ce à dire que l’entrepreneur aurait été au-dessus de tout reproche en communiquant son PPSPS au maître d’ouvrage ? Ce n’est pas évident : même si, sur le terrain pénal, on voit mal quelle infraction aurait été constituée à ce stade, la seule attitude prudente pour l’entrepreneur aurait été d’alerter le maître d’ouvrage sur l’absence de coordonnateur et, en l’absence de régularisation, de refuser d’intervenir.

Nicolas Pottier
Avocat à la Cour, Flichy Grangé Avocats
Ancien secrétaire de la Conférence
pottier@flichy.com
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