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ENVIRONNEMENT

Véhicules électriques : une clarté nécessaire et une dynamique à relancer

PUBLIÉ LE 30 MAI 2024
ALLIANCE POUR LA DÉCARBONATIONS DE LA ROUTE
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Véhicules électriques : une clarté nécessaire et une dynamique à relancer
Crédit : This_is_Engineering - Pixabay
L’Alliance pour la décarbonations de la route publie une note précisant ses positions dans une phase de ralentissement des ventes de véhicules électriques en Europe et expose des recommandations proposées par certains de ses membres.

Contexte : la contraction des ventes de véhicules électriques est-il un ralentissement ou un signal préoccupant ?

Le transport intérieur de voyageurs est largement dominé par la route (véhicules particuliers, bus et cars) qui représentent 93,8% des émissions du secteur1, le rail ne couvrant que 11 % des flux. Dès lors que les transports pèsent près de 30% des émissions de CO2 du pays – proportion qui ne faiblit pas depuis des décennies – leur réduction implique à la fois du report modal et une décarbonation massive de la route. L’engagement de la France, et de l’Union Européenne dans son ensemble, en faveur de la mobilité électrique a porté de premiers fruits. Selon les chiffres de l’Avere-France, près de 492 000 véhicules électriques ont été vendus en 2023 et 125 300 véhicules électrifiés mis à la route depuis janvier 2024, soit 16,5% de plus en un an.

Mais, malgré cet amorçage dynamique, les véhicules électriques aujourd’hui ne représentent qu’environ 3% du parc roulant total des véhicules en France (un peu plus de 38 millions). La progression observée ces dernières années est insuffisante pour espérer réduire les émissions des transports de 29% en 2028 par rapport à 2015, selon l’objectif gouvernemental. La marche est encore haute, puisque le Secrétariat Général à la Planification Écologique (SGPE) prévoit 500 000 voitures électriques vendues en 2025, et un million en 2029.
Cela d’autant que le marché des véhicules électriques en Europe connaît un ralentissement depuis le début 2024.

Deux situations coexistent. En France, par exemple, l’accélération des ventes se ralentit. Autrement, en Allemagne par exemple, les ventent ont chuté brutalement. Ainsi, selon l’Association des Constructeurs Européens (l’ACEA), la baisse des ventes des véhicules électriques en Europe se confirme en mars 2024 (-11,3% sur un an), et effectivement en Allemagne (-29%), pays où la sérieuse baisse des aides à l’achat a eu une conséquence remarquable. En France, la situation est meilleure, mais l’accélération notable des années précédentes se remarque moins. Les livraisons des véhicules issus du « leasing social », livrés jusqu’à septembre, participeront aussi à lisser les chiffres.

Certes, la vente de véhicules thermiques a également subi des à-coups fréquents, il n’y a pas de raison d’anticiper une dynamique continue pour les véhicules électriques. Mais, comme ce ralentissement intervient sur fond de vif débat sur la faisabilité des objectifs fixés par l’Union Européenne, dont l’arrêt des ventes de véhicules thermiques neufs en 2035, ces vents contraires invitent au questionnement : le design et le volume des aides publiques est-il pertinent ? L’infrastructure des bornes de recharges est-elle suffisamment maillée ? L’offre des constructeurs est-elle adaptée aux attentes actuelles sur le véhicule individuel ?

Quelles causes peut-on identifier ?

La réduction ou l’instabilité des aides publiques aux ménages pour l’achat d’un véhicule neuf : la diminution des aides gouvernementales à l’achat de véhicules électriques est, sans nul doute, un élément central dans le ralentissement observé. En France, le bonus écologique a ainsi été réduit en 2024, érodant l’attractivité des véhicules électriques. A l’exception de l’opération de leasing social, on constate une réduction des volumes de ventes électriques en France.

La persistance des préoccupations liées à l’autonomie : malgré de nets progrès, cette problématique reste un sujet de craintes, particulièrement pour les usagers des zones rurales ou astreints à de longs trajets. Si la France se situe plutôt parmi les pays européens les mieux équipes, la suppression de mécanismes de soutien à la densification du réseau de bornes doit alerter (abandon de l’appel à projets lancé par l’ADEME, non reconduite du programme « France relance » pour le déploiement le long des grands axes). Selon l’ACEA, l’Europe a besoin de 8 fois plus de bornes de recharges par an d’ici 2030, soit 8,8 millions – alors que la Commission Européenne en annonce 3,5 millions.

Des délais de livraison plus incertains : les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, dues notamment à la pénurie de certains composants électroniques, peuvent affecter la production des véhicules électriques. Cela se traduit par des délais de livraison plus longs et une augmentation des prix. Cette situation a été exacerbée par la guerre en Ukraine, qui a entraîné des perturbations dans l’approvisionnement en matières premières critiques pour la fabrication des batteries. La persistance d’un « stress » économique : le contexte économique, marqué par une inflation soutenue ces dernières années, est de nature à inciter les ménages à reporter leurs achats non essentiels, y compris en matière automobile. A cela s’ajoutent les inquiétudes quant aux évolutions du prix de l’électricité qui, dans l’esprit des clients potentiels, fait peser le doute sur les coûts d’usage futur des véhicules électriques, pourtant largement en deçà d’un véhicule thermique.

Le manque de campagne d’information et de pédagogie : ces dernières années, on a vu fleurir, sur les réseaux sociaux notamment, plusieurs campagnes de désinformation qui affirmaient que les véhicules allaient tuer l’industrie automobile européenne, ou mettant en cause leur empreinte écologique. Un manque de pédagogie sur le véhicules électrique, sa pertinence, les dispositifs d’aide disponibles ou l’impact sur ses déplacements quotidiens crée encore de la confusion chez les consommateurs.

Les recommandations

Éviter le « stop & go » dans le soutien public à l’acquisition de véhicules électriques : les aides publiques sont cruciales pour rendre les véhicules électriques plus accessibles au grand public, le temps que l’offre des constructeurs s’élargisse, avec des véhicules d’entrée de gamme plus accessibles, et pour permettre à un marché de l’occasion de se constituer progressivement (segment essentiel dans le domaine des véhicules thermiques). L’expérimentation du « leasing à 100€ » a suscité beaucoup d’attentes : il est essentiel d’en annoncer les évolutions et de mieux cibler la communication afin d’éviter de laisser croire au plus grand nombre qu’un véhicule électrique coûte 50 à 100 € / mois dans le même esprit, d’accompagner les ménages modestes vers le marché de l’occasion. Il est de la même façon important de prévoir une montée en puissance effective de l’électrification des flottes d’entreprise, en veillant à ce que les seuils proposés soient réalistes.

Maintenir l’effort dans le développement du réseau de recharge : sur les axes rapides (autoroutes) où le service offert sera dans certains cas insuffisant dans un ou deux ans si les efforts de déploiement ne se poursuivent pas, au risque d’inhiber l’adoption si des « embouteillages » apparaissent aux pics de trafic. Pour rappel, une pompe à essence doit-être remplacée par environ 6 points de recharge pour conserver la même fluidité aux stations services. La diffusion doit à présent s’étendre aux territoires ruraux, entrées de ville, qui révèlent encore des « zones blanches ». Enfin, il convient de densifier et clarifier les dispositifs d’aides financières ou incitations fiscales proposées aux particuliers et aux copropriétés pour faciliter l’installation de bornes de recharge. Garantir la réparabilité (et rassurer les usagers) : la migration du thermique vers l’électrique ne doit pas être un saut dans l’inconnu, notamment lorsqu’une partie des achats relèveront du marché de l’occasion. Ces craintes dans ces domaines pourraient freiner l’adoption en matière électrique (concernant la réparabilité des batteries, en particulier). Les usagers doivent être éclairés par des indices de réparabilité explicites. Encourager le « rétrofit » (c’est-à-dire le remplacement d’un moteur thermique par un électrique) relève également de cette logique et concourt à conserver un tissu de métiers de l’automobile encore actif (garagistes, concessionnaires, réparateurs indépendants).

Inciter au développement d’un segment des véhicules plus légers : On continue de constater un manque criant de véhicules électriques pour les petites citadines. Le développement de véhicules de ce calibre permettrait en outre de faire baisser les prix. Le recentrage du marché (thermique et électrique) vers des SUV est problématique à la fois en terme environnemental et en matière d’occupation de l’espace. S’il est important d’électrifier une grande variété de véhicules pour s’adapter aux nombreux usages, et encourager la transition, le marché ne doit pas se centrer uniquement sur les plus gros véhicules. L’exploration actuelle de l’ADEME et certains constructeurs vers les véhicules dits « intermédiaires » est pleine de sens. Bon nombre de véhicules intermédiaires carrossés ont toute leur pertinence pour les trajets quotidiens. Dimensionnés pour des trajets de portée moyenne (au-delà des portées du vélo à assistance électrique), ces véhicules ont généralement une autonomie de 80-100km et peuvent, pour la plupart, atteindre une vitesse de 80km/h. Le développement de véhicules de ce calibre permettrait en outre de faire baisser les prix.

Structurer des soutiens publics qui prennent en considération l’usage optimisé des véhicules : si les modalités restent à inventer, en partenariat avec les acteurs opérationnels, les dispositifs publics et notamment les subventions publiques nationales et locales, devraient
impérativement prendre en considération l’usage et en particulier le taux d’occupation moyen des véhicules électriques. Un groupe de travail dédié, transverse “automobile” et “transport” devrait être créé pour élaborer des dispositifs concrets (voies réservées aux véhicules électriques ou comptant plusieurs passagers, stationnement garanti, voie dédiée aux transport collectifs sur route, etc.).

Confirmer la logique d’électrification à moyen terme et son calendrier : cette orientation est conforme aux intérêts des constructeurs européens, pour faire face dans de bonnes conditions à la concurrence croissante des constructeurs chinois sur ce créneau. C’est le cas dans le récent accord de filière conclu par les représentants de la filière et le gouvernement qui ambitionne de structurer la filière vers l’électrique en intégrant les sous-traitants. Un recul dans ce domaine coûterait très cher à l’industrie française.

Le cap est donné, il reste à le tenir

Début mai 2024, le gouvernement a signé un contrat de filière qui vise à multiplier par trois la vente de véhicules électriques en 2027. Un objectif ambitieux … mais hors d’atteinte si le tassement observé ces derniers mois devait se poursuivre. Or, les urgences de rabot budgétaire et des élections européennes modérément axées sur les impératifs environnementaux n’invitent pas à l’optimisme… L’Alliance a vocation à porter dans le débat des sujets multiples en faveur de la décarbonation de la route (covoiturage, vélo, bus express, …). Mais, si la migration du véhicule thermique vers le véhicule électrique devait patiner, ce sont non seulement les objectifs environnementaux qui seraient mécaniquement repoussés (CO2, pollution de l’air), les dépendances qui seraient prorogées (l’importation de carburants et de pétrole coûte des dizaines de milliards d’euros par an) et un mauvais signal envoyé à une filière automobile astreinte à une révolution … qui nécessite des débouchés. Loin de se concurrencer, l’optimisation de l’usage des actifs (routes et véhicules) est un moyen de favoriser le renouvellement technologique et le déploiement à l’échelle de l’électrique.
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