Suite à l’impressionnant éboulement survenu fin août à Saint-André en Savoie, la ligne ferroviaire entre la France et l’Italie par la vallée de la Maurienne ne sera pas remise en service… avant l’été 2024 !
L’annonce a été faite vendredi lors d’une conférence de presse associant le Préfet de Savoie François RAVIER, la députée de la circonscription Emilie BONNIVARD, la directrice régionale de SNCF Réseau Béatrice LELOUP, et plusieurs élus locaux. Dans les jours suivant la chute de près de 15 000 m3 de roches sur la falaise de La Praz, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Modane, les premières évaluations laissaient présager une coupure de la ligne pendant environ deux mois. Mais les dégâts et la durée de réparation nécessaire s’avèrent au final bien plus importants que prévu.
Des dégâts plus importants que prévu Au-delà des travaux sur la voie ferrée et les dispositifs de signalisation endommagés, c’est le tunnel de la Brèche qui concentrera les interventions. L’ouvrage a certes assuré sa fonction de protection de la voie mais il a été fragilisé par la chute de milliers de mètres cube de terre et de rochers. Avant d’engager les chantiers de déblaiement et de réparation, l’heure est encore à la sécurisation de la falaise qu’il convient de purger des matériaux instables qui menacent toujours de s’effondrer. Les conséquences écologiques et économiques de la fermeture pendant près d’un an du seul cordon ombilical ferroviaire reliant la France et l’Italie du nord sont à ce jour difficilement mesurables. Elles seront à n’en pas douter très lourdes. A quelques semaines de l’ouverture de la saison de ski, les autorités ont commencé à plancher sur la mise en place de services de bus de substitution depuis les gares de St-Jean-de-Maurienne et St-Michel-de-Maurienne (au lieu de celle de Modane, devenue inaccessible) pour acheminer vers les stations environnantes les nombreux touristes attendus cet hiver.
Des conséquences écologiques et économiques désastreuses Plus globalement, se pose la question de la rupture des liaisons ferroviaires France-Italie sur un axe européen stratégique. Pendant près d’un an, les milliers de passagers des TGV (SNCF) et Frecciarossa (Trenitalia) entre Paris et Milan, de même que les 170 trains de fret qui empruntent cette ligne chaque semaine vont devoir trouver d’autres solutions. Plutôt que de longs et couteux détours ferroviaires par la Suisse, la majeure partie des flux devraient logiquement se tourner vers l’avion et surtout vers la route. Avec à la clé davantage de poids lourds, de cars et de voitures sur les autoroutes alpines déjà bien chargées et une facture carbone qui s’annonce salée. La vallée de la Maurienne sera particulièrement exposée compte tenu de la fermeture du tunnel routier du Mont-Blanc, du 16 octobre au 18 décembre, pour d’importants travaux de rénovation et de maintenance. Entrée dans les annales ferroviaires françaises pour avoir été le théâtre, en 1917, de l’accident de train le plus meurtrier du pays à ce jour (435 morts) suite au déraillement d’un convoi emporté dans la pente, la ligne historique de Maurienne est connue pour ses dénivelés parmi les plus sévères d’Europe. Héritée du XIXè siècle, cette ligne d’altitude est aussi connue depuis longtemps pour la fragilité géologique des zones de montagne qu’elle sillonne.
Le Lyon-Turin pour mettre les circulations à l’abri des aléas naturels en montagne Depuis sa mise en service complète en 1871, la ligne a connu une série impressionnante de vicissitudes : effondrement d’un tunnel en 1881, emporte de 15 km de voies entre Saint-Michel et Saint-Jean de Maurienne en juin 1957, submersion d’un pont et d’une section par une crue de boues à Pontamafrey en septembre 1965 puis à nouveau l’année suivante… Plus récemment, une coulée de boue a provoqué en 2019 la fermeture de la ligne historique pendant un mois. Autant d’avanies qui n’empêchent nullement les opposants minoritaires au Lyon-Turin de continuer à marteler doctement que cette ligne historique est bien suffisante et que le Lyon-Turin est "inutile", alors même que le tunnel sous les Alpes vise notamment à mettre les circulations à l’abri des aléas naturels en montagne. La veille de l’annonce de la fermeture de la ligne pour près d’un an, les opposants publiaient d’ailleurs un tract intitulé « Le Lyon-Turin existe déjà, utilisons le ! » dont on appréciera le sens du timing et de l’à-propos.