Utilisés dans nombres de filières, les standards GS1, (du nom de l’organisme international qui les créent) visent à identifier de manière non ambiguë des actifs (articles, composants, etc.) via un dispositif, dont le plus connu est le code-barres utilisé notamment dans la grande distribution au niveau mondial. Ce dernier permet ainsi aux différents acteurs d’une même chaîne de valeur (fournisseurs, constructeurs, opérateurs) de parler le même langage pour un produit donné. « Via un porteur de données (data carrier), cet identifiant unique permet aux différents acteurs, quelle que soit leur position dans la chaîne de valeur, de reconnaître et de partager des informations pour un même élément en toute efficience, ni ambiguïté » précise Claude Baudry, Chef de Marché Industries Techniques, chez GS1 France.
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A l’heure de la transformation digitale de la filière ferroviaire (et plus largement des besoins d’interopérabilité des réseaux européens), les standards GS1 permettraient de résoudre les problèmes liés à la multiplicité des terminologies et des systèmes d’identification propre à chaque industriel. « Actuellement, chaque acteur identifie un composant donné avec une solution qui lui est propre. Cette approche complexifie la communication et nécessite des recherches pour s’assurer que les différents intervenants parlent bien du même composant » poursuit Claude Baudry. En apportant une réponse à un besoin de standardisation, le système GS1 a été choisi comme standard d’identification dès 2019 par les acteurs de la communauté d’intérêt matériel roulant (FIF, Fer de France, SNCF Voyageur, RATP, Alstom, etc.), puis intégré en juillet 2024 dans le nouveau contrat stratégique de la filière ferroviaire. Un choix, qui fait suite à l’utilisation du système GS1 dans de nombreux pays (Allemagne, Suisse, Australie, etc.), et par l’incitation auprès d’industriels de la part de SNCF Voyageur, dans le cadre du projet TGV-M, et de la RATP pour ses acquisitions et ses projets de matériel roulant (rames MI20). « Le choix des standards GS1 dans le contrat de filière met en avant son importance stratégique pour la modernisation et l’efficacité de la chaîne logistique ferroviaire » indique Jean-Jacques Mogoro, Directeur du pôle industrie à la FIF.
« Le système GS1 assure un échange multi acteurs tout en optimisant les processus internes » Claude Baudry
Investir l’infrastructure ferroviaire
Si l’adhésion des industriels aux standards GS1 n’est pas obligatoire, mais incitative, elle se différencie entre branche « matériel roulant » et branche « infrastructure. La première étant plus mature dans la traçabilité des actifs, en raison de l’incitation des donneurs d’ordres par rapport aux industriels. De leur côté, les gestionnaires d’infrastructures soulèvent des problématiques liées au cycle de vie des éléments d’infrastructures et à la perte d’informations quand le produit passe entre plusieurs mains. Le système GS1 pourrait également bénéficier aux acteurs du secteur. D’où l’idée de mettre en œuvre une communauté d’intérêt dédiée infrastructure courant 2025. « Rassemblant le gestionnaire d’infrastructure, industriels et poseurs, cette communauté permettra de déterminer les différents cas d’usages et répondre à leurs problématiques » poursuit Claude Baudry. « Nous nous sommes positionnés dans une démarche de filière pour développer le système GS1 afin de simplifier la chaîne logistique » complète Jean-Jacques Mogoro.
Exit les plaques de firme
L’identifiant unique d’un composant ou d’un article au format du standard GS1 peut être transmis via différents supports techniques. Ces porteurs de données (Data Carrier) peuvent prendre la forme d’un GS1 Datamatrix ou une puce RFID pour remplacer les traditionnelles plaques de firme (choix de la filière rail).
L’identifiant unique d’un composant ou d’un article au format du standard GS1 peut être transmis via différents supports techniques. Ces porteurs de données (Data Carrier) peuvent prendre la forme d’un GS1 Datamatrix ou une puce RFID pour remplacer les traditionnelles plaques de firme (choix de la filière rail).
Faciliter le partage des données
Au-delà d’une identification des actifs standardisée, un autre standard GS1, l’EPCIS (Electronic Product Code Information Services), permet le partage structuré de données le à travers des messages formatés selon une syntaxe et un vocabulaire définis, facilitant la traçabilité de bout en bout des équipements et la communication « machine-to-machine » entre tous les acteurs d’un écosystème. « Aujourd’hui, pour échanger avec leurs différents clients, les entreprises développent des passerelles informatiques spécifiques. Via l’EPCIS, ces acteurs disposent d’un format d’échange de données standardisé » explique Claude Baudry. Une utilisation conjointe des standards d’identification et de partage de données GS1 va dans le sens de l’interopérabilité entre les différents systèmes d’information et de la continuité digitale des STI (Spécification Technique d’Interopérabilité) du 4e paquet ferroviaire. « L’objectif du 4e paquet ferroviaire est de créer un espace européen unique pour l’infrastructure et le matériel roulant. International, le standard GS1 permet de codifier et de partager les informations d’un actif au sein de la filière française, mais également avec des acteurs internationaux » poursuit Claude Baudry. Toutefois, si les différents acteurs d’une chaîne de valeur ont accès aux données échangées grâce aux standards GS1, se pose la question de leur gestion. « Actuellement, les acteurs sont dans une approche de gestion décentralisée des données. De fait, chacun reste propriétaire de celles-ci » précise Claude Baudry. « Le partage d’information s’effectuant en silo, chaque entreprise est propriétaire de ses données et donne accès à celles qu’elle souhaite » abonde Jean-Jacques Mogoro. Une situation qui pourrait évoluer en fonction de la signature d’accords (bilatéraux, multilatéraux, sectoriels) à propos du partage et de l’obtention des informations. « Il faut déterminer quelles sont les données qu’il est possible d’échanger et les règles associées. » prévient Claude Baudry.
« Le choix des standards GS1 dans le contrat de filière, met en avant son importance stratégique » Jean-Jacques Mogoro
Accompagner pour lever les réticences
Adoptés par des acteurs de renommée mondiale tels qu’Alstom, CAF ou encore Vossloh (voir page 33), ces derniers contribuent à la mise en œuvre et au déploiement des standards GS1. En revanche, il reste à les faire adopter par l’ensemble des acteurs de la filière. Un déploiement qui fait face actuellement à certaines réticences, dû à un manque de compréhension sur les avantages concrets de ce standard, des questions sur le retour sur investissement des coûts engendrés, et sur l’intégration des standards GS1 dans un système d’information existant en toute interopérabilité. « Certains acteurs peuvent penser qu’ils ne sont pas concernés, que GS1 est trop complexe, coûteux… A nous de lever ces freins et de convaincre les décideurs en démontrant la valeur ajoutée du système GS1 » explique Claude Baudry. Autre difficulté, faire de ce standard un projet d’entreprise, non pas isolé mais transversal en regard du nombre de possibilités de cas d’usage et qui impliquent divers départements (design, production, supply chain, maintenance, etc.). « Nous sommes là pour acculturer les entreprises en interne, pour leur donner les clés mais aussi pour sensibiliser leur management afin qu’ils adoptent le système GS1 » indique Claude Baudry.
Une réglementation favorable
La généralisation du système GS1 auprès des acteurs pourrait s’accélérer en tirant bénéfice de la réglementation européenne ESPR (Ecodesign for Sustainable Product Regulation) qui imposera dès 2027 sur certaines filières, un passeport numérique des produits à l’échelle du marché européen. S’il ne contient pas lui-même les informations détaillées des composants d’un produit, le standard GS1 est une clé de référence partagée et connue pour accéder à ces dernières. De fait, les actions mises en place par la filière visent à encourager et à faciliter l’adoption de ce standard par les industriels, qu’il s’agisse de grande entreprise ou de PME. « Si je reprends l’exemple de la grande distribution, avec les standards GS1, les enseignes gèrent, grâce au code-barres du fabricant d’origine, toutes leurs données internes de supply chain, d’approvisionnement, de réapprovisionnement, etc. Le système GS1 assure un échange multi acteurs tout en optimisant les processus internes » conclut Claude Baudry.
Texte Frédéric Burguière