Nous avions été parmi les premiers à évoquer la clause Molière adoptée par l’Ile-de-France pour ses marchés publics, visant à imposer l’usage du français sur les chantiers pour favoriser l’accès des TPE-PME à la commande publique. Cette clause a provoqué de vives réactions.
À l’image de Bernard Cazeneuve (1), le chef du gouvernement, qui a lancé « Derrière la "clause Molière", c’est la clause Tartuffe dont il faut se méfier » afin de dénoncer une « mesure ouvertement discriminatoire » et une mesure qui serait « infailliblement condamnée » par « n’importe quel tribunal » car elle vise à « faire obstacle à la concurrence d’entreprises étrangères faisant appel à des travailleurs détachés ».
Laurent Berge (2), le secrétaire général de la CFDT, se montre très hostile envers cette clause : « C’est scandaleux, c’est insupportable. Ça me met hors de moi. Ce sont des relents de préférence nationale. On veut faire croire qu’on veut lutter contre le dumping social et on tape sur les salariés avec des fondements xénophobes. Il y a d’autres moyens de lutter contre le dumping social, comme donner des moyens renforcés à l’inspection du travail, on peut rediscuter de la directive travailleur détaché en Europe, mais surtout pas ce type de mesures, c’est à vomir ! Il faut lutter contre cette mesure ».
Du côté du droit, on ne se prononce pas sur l’aspect social mais on reste dubitatif à l’image de Frédéric Sicard (3), bâtonnier de Paris et grand spécialiste du droit du travail, qui rappelle que « la liberté de parler la langue que l’on souhaite ou de ne pas comprendre le français est un principe constitutionnel ». Difficile d’imposer le français dans ces conditions…
Pas mieux du côté des entreprises avec, par exemple, Alain Dinin (4), le pdg de Nexity qui voit cette clause comme une « grosse bêtise » en soulignant que « le sujet n’est pas là, le sujet c’est d’avoir de la compétence. Aujourd’hui, depuis 20 ans que je dirige Nexity, nous construisons des logements et des bureaux, on n’a jamais eu ce problème-là, les équipes sont de multi-origines, elles ont une compétence ».
Nicolas Dupont-Aignan (5), président de Debout la France, est en revanche très en colère contre les opposants à la mesure : « Quand je vois que le Premier ministre de la France, le président du patronat français, la CGT, la CFDT osent protester contre le bon sens qui veut qu’un ouvrier parle français sur un chantier, ça montre à quel point l’abandon national est érigé en principe de gouvernement ». Très véhément, il poursuit « C’est nationaliste de défendre les emplois français ? Honte à Pierre Gattaz qui devrait démissionner du Medef, qui préfère faire venir des esclaves étrangers et mettre au chômage des ouvriers français ».
Enfin, il en est un qui a dépassé le stade de la polémique, c’est Laurent Wauqiez (6), le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui a déjà adopté cette mesure. Il a présenté sa brigade Molière, composée de cinq agents de la Région à temps plein, qui sera chargée de vérifier les cartes professionnelles du BTP et la bonne pratique de la langue française sur les chantiers ! « Je préfère payer plus cher un chantier mais qu’il soit confié à 100 % à des travailleurs locaux. Je l’assume et je ne lâcherai pas » a-t-il déclaré.