La transformation de l’avenue de la Grande Armée s’inscrit dans le prolongement du projet « Réenchanter les Champs-Élysées », dont le périmètre d’étude a été étendu officiellement à l’Avenue de la Grande Armée par Anne Hidalgo en mai 2022. À quelques mois de la livraison de la nouvelle Porte Maillot, à un an d’un « big bang olympique » qui transformera cette entrée de Paris en « Axe Olympique », le Comité Grande Armée a mandaté Philippe Chiambaretta, architecte fondateur de l’agence PCA STREAM pour concrétiser la transformation de l’avenue de la Grande Armée. Le projet entend recréer la promenade plantée historique, qui s’étendra au total sur plus de 6 kilomètres du Louvre à La Défense : en la végétalisant pour la rafraîchir ; en réaménageant la sortie du tunnel de l’Étoile et en le coiffant d’un belvédère ; en piétonnisant les contre-allées ; en les ponctuant de kiosques et de nouveaux usages (salons végétaux, restauration, services) , reconnecter l’avenue et le Bois de Boulogne, en recréant une porte symbolique, en aménageant un cheminement ponctué de kiosques, de jeux pour enfants et d’un grand belvédère ; créer le temple des nouvelles mobilités qui n’existe pas à Paris, en installant une méga-station vélo sous le parvis du Palais des Congrès, une école-vélo et des services de location côté Square Parodi, et tout au long de l’Avenue, qui était il y a un siècle l’avenue des Cycles et le lieu de la première piste cyclable de France.
Retrouver l’esprit de la promenade
En 2030, l’avenue pourrait de nouveau être l’une des promenades préférées des Parisiens. Il s’agit d’abord de retravailler le profil de l’avenue : libérer les trottoirs du stationnement non-autorisé des deux-roues, pour faciliter la circulation piétonne et valoriser les façades.; piétonniser les contre-allées, pour recréer la promenade piétonne ; déminéraliser les sols et végétaliser pour rafraîchir ces nouvelles promenades ; créer deux véritables doubles pistes cyclables unidirectionnelles, sécurisées et continues ; consacrer deux voies-services pour les deux-roues, les livraisons, les déposes-taxi et les dessertes sécurisées de bus. Ces deux voies étant déjà utilisées ainsi aujourd’hui, mais de façon désorganisée ; supprimer les îlots centraux et élargir les passages piétons pour faciliter les traversées; passer enfin à 4 voies de circulation pour les voitures et les bus. Ce sont, en tout, deux hectares de surface qui seraient rendues aux piétons, aux riverains, aux salariés et aux familles. On retrouverait un corridor végétal continu, adapté au changement climatique et au besoin de parcours ombragé.
Il s’agit aussi de jalonner le parcours de nouveaux usages et de programmations spécifiques pour offrir aux habitants et aux visiteurs une destination et des aménités qui leur manquent aujourd’hui avec : des salons végétaux, essentiels au rafraichissement de l’espace public, et propices à la pause et au délassement ; des terrasses estivales et des pavillons qui pourront accueillir des espaces de restauration, avec une homogénéité dans le traitement esthétique et de mobilier ; des espaces réservés aux mobilités douces, de réparation, de vente, ou simplement d’espace de stationnement ; des showrooms qui pourront servir de lieux d’exposition. Ces pavillons devront être conçus pour être démontables, modulables, tout en transparence pour conserver l’effet de perspective des promenades. Leur design pourra s’inspirer de l’esthétique parisienne et du mobilier urbain de la Belle Époque, par exemple des gloriettes ou des « vacheries anglaises », ces anciens abris de marché du milieu du 19e siècle, installés dans les jardins des Champs-Élysées ou du Bois de Boulogne.
Au-dessus du tunnel de l’Étoile, un belvédère servira de point haut pour admirer d’un côté l’Arc de Triomphe et de l’autre l’avenue et la perspective vers La Défense. Un lieu pour se prendre en photo, se reposer ou manger un sandwich, mais aussi un gradin pour admirer un spectacle. Loin d’être un geste gratuit, cette plateforme vient rééquilibrer la relation avec les Champs-Élysées, créer un contrepoint qui donne une raison aux visiteurs de traverser la place de l’Étoile. Sous le belvédère, une entrée du tunnel repensée pour donner envie aux cyclistes de s’y engager, y compris le soir, avec un traitement lumineux et un design beaucoup plus chaleureux. On peut imaginer à terme que le tunnel lui-même devienne un lieu événementiel, supports de créations artistiques. Au milieu de l’avenue, « le village ». C’est une séquence importante, qui fait l’âme de la Grande Armée : avec ses deux places en demi-lune, de part et d’autre de l’avenue, c’est là « que le 16e et le 17e s’embrassent », avec des traversées piétonnes plus importantes, et un niveau sonore plus faible. Elle est animée par des commerces de proximité. Sur les places Yvon et Claire Morandat (côté 17e) et du Général Patton (côté 16e), il serait par exemple possible de créer une continuité de la piste cyclable et de la bande de services ; de réhausser le niveau de la chaussée pour ralentir et canaliser les voitures sur les côtés, et créer ainsi une petite place centrale, un signal, qui pourrait accueillir ainsi les étals d’un marché, des services variés, des spectacles de rue… En bas de l’Avenue, la porte du Bois, il s’agira de créer une promenade plus végétale, pour une continuité verte avec l’avancée du Bois. Une porte tournée vers les mobilités douces, connectée au nouveau hub de la Porte Maillot.
Renouer avec le Bois
Le projet vise à retrouver la qualité d’usage et l’attractivité que l’avenue avait du temps de la « Belle époque », lorsqu’elle était à la fois la porte verte de Paris, la porte des plaisirs, l’accès aux loisirs, aux fêtes, à l’émerveillement. D’abord, il faudra redonner un traitement ambitieux à cette « porte du Bois ». Une structure symbolique, tout en bois, viendrait ainsi créer un appel et rendre très explicite la nouvelle vocation de ce site renaturé venu remplacer l’ancien rond-point automobile. Un kiosque d’accueil, reprenant l’esprit des pavillons qui ornent un certain nombre d’autres entrées du Bois de Boulogne, viendrait l’épauler, en proposant un plan des sites d’intérêts, des parcours de promenades, une billetterie pour le Jardin d’Acclimatation… Le parcours paysager du square Parodi devra être ponctué de points d’intérêt, avec l’ajout de gloriettes, de pavillons, de mobilier récréatif ou d’assises pour se reposer et contempler la nature. Un spectaculaire belvédère viendrait signaler cette porte du Bois, à la fois point haut accessible gratuitement, d’où l’on pourrait contempler la cime des arbres, Paris et l’Axe majeur (il n’en existe aucun aujourd’hui), et aire de jeux géante pour enfants. Ce belvédère en bois, proposant des plateformes élevées accessibles par des marches ou un ascenseur PMR, deviendrait une attraction prisée des Parisiens comme des touristes et referait du site une destination populaire comme à ses plus belles heures. Il servirait de support à une aire de jeu, hommage à l’histoire du lieu et au Luna Park. Celle qui est proposée ici a été conçue avec Playgones, un spécialiste des aménagements ludiques, pour concilier ambition et réalisme : un toboggan spectaculaire, un bloc d’escalade, un trampoline, des aménagements pour les parents avec assises, espace buvette et coin restauration pour les familles. Une mise en scène du passage au-dessus du périphérique permettrait enfin d’accompagner le promeneur jusqu’au Bois lui-même : un passage protégé, à la fois aéré mais protecteur, atténuerait la frontière que constitue le boulevard périphérique.
De nouvelles mobilités
Tout converge pour que l’avenue de la Grande Armée (re)devienne la vitrine et le démonstrateur de la révolution des mobilités urbaines : sa position géographique, son identité historique, la fin annoncée du moteur thermique, son écosystème, la part modale croissante des mobilités douces et électriques, la création du RER Vélo, et l’arrivée d’Éole. Tout l’enjeu est d’adapter l’aménagement urbain et la programmation de ce territoire. Côté porte Maillot, il s’agit de créer la première « mégastation » de mobilités douces. Elle prendrait place sous le parvis, une possibilité vérifiée techniquement, avec un accès direct circulaire en pente douce depuis le parvis, grâce à un percement en milieu de dalle. Cette station offrirait des possibilités de stationnement pour ceux qui arrivent ou partent de la gare, mais proposerait aussi des flottes partagées, des services de location, de vente, de réparation etc. Mais aussi un site d’apprentissage décernant des permis-vélo aux écoliers, un besoin réel et en phase avec le plan vélo de la Ville de Paris. À proximité, le parc pourrait aussi proposer des services de location de vélos, de draisiennes ou de vélo-cargos, pour permettre aux familles de partir explorer le Bois de Boulogne, une offre aujourd’hui étonnamment inexistante. Tout au long de l’avenue, deux pistes cyclables sécurisées unidirectionnelles, relieraient l’Avenue de la Grande Armée avec l’Axe majeur, avec la perspective de créer un parcours de la Concorde à la Défense. Sur les contre-allées, des mini stations-vélos pourraient être installées, proposant des places de stationnement et des services annexes. Un « kilomètre zéro » bien identifiable au croisement de la Grande armée et de la rue de Presbourg, rendrait hommage au point de départ de la première piste cyclable historique. Le haut de l’avenue pourra demeurer un espace événementiel, avec des kiosques qui pourraient servir de vitrines-showrooms, pour offrir un cadre d’exposition plus qualitatif aux enseignes de nouvelles mobilités. Ces espaces seraient prioritairement destinés aux marques proposant les concepts ou les expériences les plus innovantes – une façon concrète d’attirer sur l’avenue les marques les plus pointues. Des lancements de nouveaux modèles, des démonstrations de freestyle, une conférence mondiale sur les « mobilités du futur » pourraient être imaginées sur ce segment bénéficiant d’un triple avantage comparatif : l’accessibilité (7 lignes de RER, tramway et métro), la jauge capacitaire (70 mètres de façade à façade), et le décor (vue sur l’Arc de Triomphe).