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Plan Eau : une goutte d’eau ou une vague de fraicheur ?

PUBLIÉ LE 30 MARS 2023
SÉBASTIEN BATTAGLINI
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Plan Eau : une goutte d’eau ou une vague de fraicheur ?
Emmanuel Macron vient de présenter le Plan Eau (@Elysées/Twitter)
Après des Assises de l’eau qui n’ont, pour beaucoup, pas donné ce qu’elles avaient promis, le précieux liquide est cette fois l’objet d’un plan de sauvegarde présenté par le président de la République à Savines-le-Lac. Les annonces étaient-elles à la hauteur ?
 
C’est le 30 mars que le président Macron a annoncé qu’il fallait économiser l’eau alors que le secteur tire la langue et la sonnette d’alarme depuis des années et que les ressources des Agences de l’eau (issues de nos factures d’eau) ont été pillées pour d’autres sujets que le précieux liquide. Cette « découverte » du problème de l’eau peut faire grincer des dents et ce plan eau a de quoi être accueilli avec cynisme. Mais est-il porteur d’espoir ?
 
Une situation très préoccupante.
 
Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de France, rappelle la situation problématique dans laquelle se situe notre pays. Des baisses de niveaux des réservoirs naturels partout sur le territoire, et lors de l’été 2022, 95 départements en restriction d’eau et 73 d’entre eux atteignant un tel niveau que seul l’usage de l’eau pour l’eau potable était autorisé. 700 communes ont été privées durablement d’eau potable, 300 ont été alimentée avec des citernes et 200, avec des bouteilles d’eau minérales ! Et le ministre de rappeler que la pluie s’est faite rare depuis l’été dernier avec 32 jours de sécheresse hivernale comptabilisés en février et des nappes déjà bien basse après l’été caniculaire. Cerise sur la goutte d’eau, le mois de mars n’a pas permis de rattraper le niveau des nappes même si la façade ouest respire un peu alors que le pourtour méditerranéen et le couloir rhodanien sont source d’inquiétude.
 
Emmanuel Macron parle du plan
 
Il rappelle que la France a inventé un modèle de l’eau inédit. « Ce qu’on va collectivement faire, c’est s’appuyer sur cette politique de l’eau innovante créée dans les années 60, avec une gestion par bassin faisant travailler ensemble tous les acteurs de l’eau, qui ont su bâtir de grands projets. Le défi qui est le nôtre c’est que le constat a rigoureusement changé avec une ressource en eau renouvelable qui a fortement baissé avec -14 % en France métropolitaine si on compare la période 1990/2001 avec la période 2002/2018 ». Emmanuel Macron rappelle que le dérèglement climatique alourdit la situation. Un président qui aime à citer les cris d’alarme du Giec qui, pourtant, ne datent pas d’hier…
 
Préparer l’été à venir.
 
Emmanuel Macron confit que des arrêtés ont été pris dans une quinzaine de département pour se placer en vigilance sur le sujet et qu’une dizaine est déjà en alerte renforcée ce qui met en place des restrictions pour les agriculteurs notamment. « Nous allons mettre en place, d’ici à début mai, un Ecowatt de l’eau. Il va permettre de responsabiliser tous les usagers de l’eau. C’est similaire à ce qui a été fait sur l’énergie cet hiver. Par ailleurs, nous allons demander à chaque secteur un plan de sobriété sur l’eau d’ici à l’été. Les ministres se réuniront dans les prochains jours pour les secteurs de l’énergie, du tourisme, des loisirs, de l’agriculture, etc. Il faut partager les efforts », souligne le président qui veut être clair sur un point : « toutes les crises ne seront pas évitées dès cet été car on est dans des situations de très grandes difficultés sur certaines communes ».
 
500 projets ont été financés en urgence.
 
Avec une enveloppe de 100 millions d’euros, le chef de l’État explique que des travaux ont été lancé pour compenser les sous-investissement chroniques de certains territoires, menant à des situations très difficiles l’été dernier. Cela devrait être achevé pour l’été 2023. « Pour accompagner les territoires les plus vulnérables, nous mobiliserons 180 M€ pour traiter en priorité les communes en situation les plus critiques ainsi que les 170 points noirs identifiés sur le territoire, c’est-à-dire toutes les zones où le rendement des réseaux est inférieur à 50 % », explique-t-il.
 
Au-delà des mesures d’urgence, le plan eau comporte 50 mesures.
 
Avant tout, elles portent sur l’efficacité et la sobriété pour l’eau dans la durée. Pour cela, le président, veut fixer un objectif de 10 % d’économies d’eau dans tous les secteurs à l’horizon 2030. « C’est une modernisation sans précédent de notre politique de l’eau, c’est intégrer le rapport à la quantité et à l’évolution liée au dérèglement climatique », explique-t-il.
Le plan va se construire sur 5 axes.
- Accélérer la sobriété partout et dans la durée ;
- Lutter contre les fuites et moderniser nos réseaux ;
- Investir massivement dans la réutilisation des eaux usées et la mobilisation de nouvelles ressources ;
- Planifier les usages de l’eau sur la disponibilité future de la ressource et accompagner la transformation de notre modèle agricole ;
- Mettre en place partout une tarification adaptée de l’eau.
 
La lutte contre les fuites et la modernisation des réseaux.
 
Un point particulièrement attendu par tous les professionnels du secteur et par leur syndicat de référence, les Canalisateurs. Sur ce thème, les président rappelle qu’à l’échelle nationale, 1 litre sur 5 est perdu à cause des fuites. « C’est inacceptable ». Les 180 M€ d’euros qui y sont dédiés sont déjà actés et seront confirmés chaque année. De plus, « la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et des consignations vont être mobilisées pour lancer un grand plan sur nos infrastructures ». « Pendant très longtemps, on s’est habitués à ne plus investir dans nos réseaux d’eau et à ne plus vraiment payer le vrai prix de l’eau ». Le président veut aussi généraliser en 10 ans les compteurs intelligents en commençant par les plus gros usagers de l’eau pour organiser la sobriété au plus près du terrain.
 
La réutilisation de l’eau usée (REUT).
 
Tout d’abord les eaux de pluie. « Je souhaite que le gouvernement puisse travailler avec les régions pour aider les particuliers à s’équiper pour mieux récupérer les eaux de pluie. ». Mais c’est sur la Reut que l’on attend les annonces. Sur ce sujet, Emmanuel Macron souligne qu’il faut s’inspirer de l’Espagne et d’Israël. « Notre ambition est de passer de 1 % à 10 % de réutilisation des eaux usées d’ici à 2030 ». Pour cela, le gouvernement veut lancer 1 000 projets en 5 ans pour recycler et économiser l’eau. Pour aider ses projets à voir le jour, il faut faciliter les procédures administratives et lever quelques verrous. « In fine, nous voulons réutiliser 300 millions de m3, soit 3 piscines olympiques par commune ou 3 500 bouteilles d’eau par Français et par an. Ce n’est pas rien et cela sera créateur d’activité économique », illustre le président.
 
Le budget.
 
« Pour faire face à ces ambitions, nous allons mettre les moyens. L’économie de l’eau, c’est environ 20 milliards d’euros déclenchés par 2,2 milliards d’argent public. On sait qu’on a besoin d’accélérer. Nous avons décidé, chaque année, d’augmenter le budget des agences de l’eau de 500 millions par an. C’est l’effort dont on a besoin pour déclencher environ 6 milliards de plus dans l’économie de l’eau chaque année », explique Emmanuel Macron. Autre bonne nouvelle : le plafond de dépense des agences de l’eau sera supprimé afin de pouvoir cofinancer toutes les actions permettant de s’adapter aux conséquences du changement climatique.
 
Le prix de l’eau
 
Emmanuel Macron veut mettre en place une tarification progressive et responsabilisante de l’eau. Le plan doit garantir à tous les Français un accès à une eau potable de qualité pour leurs besoins essentiels. Des expérimentations sont menées depuis 2017 sur le sujet. « Nous souhaitons que cela soit généralisé sur tout le territoire ». Cela ne veut pas dire que les prix vont augmenter. Les premiers m3 sont facturés proches du prix coutant pour tout le monde, pour les usages domestiques du quotidien. Au-delà d’un certain niveau de consommation, le prix va monter. Cela doit inciter à la sobriété.
 
Investissements nombreux, nouvelles gestion agricoles, prise en compte du renouvellement des réseaux, chasse aux fuite, gouvernance adaptée, budget des agences de l’eau en hausse, fin du plafond mordant, priorité donnée aux élus locaux et gros coup d’accélérateur sur la REUT, ce Plan Eau promet beaucoup. Mais de la perspective séduisante à la réalité de terrain la route est longue et semée d’embuche. La profession doit rester vigilante pour que tout cela ne reste pas lettre morte.
 
S. B.
 
 
Le cas des outre-mer
Emmanuel Macron s’est attardé quelques instants sur les territoires d’outre-mer, notamment la Guadeloupe et Mayotte, où « ont été lancé il y a 4 ans des plans massifs de réinvestissement. On va donc débloquer 35 millions d’euros par an supplémentaires pour l’eau en outre-mer car on a un besoin accru pour accélérer le travail de rénovation des réseaux. »
 
La gouvernance
En France, la gestion de l’eau est fortement décentralisée. « C’est un choix judicieux pour être au plus près des territoires, au plus près de la biodiversité ». L’esprit du plan est de conforter le rôle des élus qui se trouvent en première ligne. « Nous devons enrichir notre modèle historique tout en gardant la territorialisation : les élus en première ligne, les comités de bassin en responsabilité, les Agences de l’eau en traction », souligne le président. La mutualisation par intercommunalité ne va pas s’appliquer aveuglément. « Ce modèle doit être consolidé partout où il fonctionne mais ailleurs, il faut réfléchir aux bonnes solutions de mutualisation : nouveaux syndicats possibles, intercommunalité choisie. Il faut un modèle pluriel, différencié, qui repose sur les élus de terrain et la diversité du territoire »
 
 
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