1 277 Tour Eiffel… C’est ce qu’a représenté, en 2018, le recyclage des ferrailles en France. Ce sont en effet, comme le révèle le dernier rapport de Federec (Fédération professionnelle des entreprises du recyclage), pas moins de 12,9 millions de tonnes de métaux ferreux avec, en tête, les ferrailles à broyer (29 %) et les chutes neuves (21%) qui ont été collectées dans l’Hexagone en 2018, soit une hausse de 1 % par rapport à 2017. Le tout pour un chiffre d’affaire de 2,4 milliards d’euros.
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Métaux non-ferreux : des volumes corrects mais des marges réduites
Également concernée (voir interview en encadré), la filière des métaux non-ferreux tire toutefois un bilan relativement positif. « La moyenne des volumes est restée correcte, la demande a été soutenue ces dernières années, avec cependant des marges quelque peu rétrécies… La fermeture des exportations par la Chine a eu une incidence, les Etats-Unis ont également déversé une partie de leurs métaux vers l’Europe, ce qui a un peu déstabilisé l’offre, mais le marché européen est pour l’instant largement suffisant pour pouvoir absorber les volumes », décrit Patrick Kornberg, président de la filière métaux non ferreux de Federec.
Avec 1,9 mégatonnes collectées et préparées en 2018, provenant en premier lieu de l’achat au détail (35 %), suivi par les chutes neuves d’usine (25 %), la filière qui regroupait pas moins de 662 établissements de collecte en 2018 a ainsi fait face à une légère baisse des volumes : - 3,3 % par rapport à l’année précédente. « On peut l’expliquer par la baisse très importante (- 6 %) des achats au détail, potentiellement due à l’interdiction du paiement en espèces », interprète Patrick Kornberg. Côté chiffre d’affaires, avec 2,839 milliards d’euros en 2018, la filière dont les clients sont principalement les aciéries et fonderies a connu une baisse d’environ 5 %. Une chute qui reste à relativiser après une hausse de près de 10 % en 2017.
La prime à la conversion, une manne à double tranchant pour la filière VHU
La troisième filière du secteur, celle de la déconstruction automobile, a elle aussi connu une période récente plutôt contrastée. « Environ 30 % du chiffre d’affaire des centres VHU (véhicules hors d’usage) découle de la matière et dépend donc de son cours. Actuellement, ce cours est en baisse. Les professionnels sont un peu moins à l’aise économiquement, mais cela ne change rien pour les entrées de véhicules, indépendantes du cours des matières », explique Jean-Pierre Labonne, président de la filière depuis juin dernier.
Le secteur reste en effet porté par la prime à la conversion. « Une manne qui a fait exploser les volumes », comme la décrit le responsable. Les entrées de VHU ont ainsi pu connaître jusqu’à 50 % de hausse, et ce en très peu de temps. Un boom qui n’est pas sans poser de problèmes, notamment au niveau du stockage et de la gestion de ces véhicules (expertise, dépollution, démontage…). « Un autre problème de la prime est qu’elle détruit le fonds de commerce : on déconstruit des véhicules qui auraient pu être réparés par des pièces de réemploi », déplore Jean-Pierre Labonne. Reste cependant un motif majeur de satisfaction : « Aujourd’hui, le taux moyen de valorisation est d’environ 94,5 %, soit quasiment l’objectif de 95 % fixé par l’Europe au début des années 2000 et qui paraissait au départ complètement utopique », se félicite le président de la filière. Une réussite en grande partie liée à un facteur : l’industrialisation.
« Tous les centres VHU ont un cahier des charges sévère à respecter. De centres « artisanaux », où l’on allait chercher des pièces dans la boue, on est passé à des installations propres », retrace Jean-Pierre Labonne. Une évolution que souligne également le président de la filière métaux non ferreux Patrick Kornberg : « Au cours des dix dernières années, les normes environnementales nous ont contraints à avoir des chantiers extrêmement propres. Tous nos métiers se sont industrialisés avec des outils qui nous permettent de trier, de conditionner de manière beaucoup plus efficace ». Un recours massif aux machines qui se reflète aujourd’hui dans l’offre des constructeurs.
Sécurité et performances comme maîtres-mots pour le matériel
Premier besoin : celui d’équipements de manutention. « Dans ce domaine, les contraintes sont fortes, avec des matériaux très lourds », décrit Jean-Philippe Coulombier, responsable marketing marché industrie & environnement de Bergerat Monnoyeur, distributeur français de Caterpillar. Le constructeur américain mise ainsi avant tout sur la sécurité et les performances de ses machines. C’est le cas des trois pelles de manutention sur pneus MH, dotées d’un moteur six cylindres économe en carburant associé à une chaîne cinématique capable d’en tirer toute la puissance et le couple. La technologie exclusive SmartBoom développée par Cat permet en outre de réduire les consommations ainsi que les vibrations transmises à la machine, améliorant ainsi le confort du conducteur. À cela s’ajoute une attention toute particulière portée à sa sécurité, ainsi qu’à celle de son environnement. « Les cabines sont pressurisées, et on peut ajouter un système de surfiltration. L’accessibilité est facilitée, tout comme la visibilité, avec des éclairages LED et des caméras de série », décrit Jean-Philippe Coulombier.
Autre exemple, celui des chargeuses de la série M, équipées d’une chaîne cinématique novatrice, baptisée XE, qui permet d’optimiser leurs performances tout en réduisant leur consommation. Cat développe également les lignes d’outils destinés à ses machines. « Nous les concevons avec les caractéristiques de nos machines en tête », souligne Thibault Dechamps, responsable des solutions recyclage chez Caterpillar. « Les grappins à 4 ou 5 doigts que nous développons pour la manutention des métaux prennent en considération la puissance de la machine, sa taille, ses pressions hydrauliques… ce qui aide à obtenir un ensemble qui fonctionne comme un binôme », poursuit le responsable. Une philosophie appliquée également aux cisailles sur pelle développées par Cat.
Des matériels plus compacts pour les zones de travail exiguës
Chez le britannique JCB, outre des engins lourds tels que la pelle sur pneus JS20MH, on trouve des équipements compacts comme le Teletruk. « Son principal avantage est qu’il possède le gabarit d’un chariot élévateur – idéal pour les casses automobiles par exemple – tout en étant doté d’un bras télescopique latéral », avance Christophe Lecarpentier, directeur marketing chez JCB France. Avec une hauteur de cabine de seulement 2,1 mètres, le Teletruk TLT30 peut ainsi soulever pas moins de trois tonnes à 4 mètres de hauteur, tout en garantissant une visibilité optimale pour l’opérateur, qui n’est pas gêné par le mât.
Dans un esprit assez proche, l’allemand Sennebogen propose quant à lui la chargeuse télescopique 355 E, « un concept inédit qui allie la cinématique d’un chariot télescopique et les capacités techniques d’une chargeuse », tel que le décrit Epvre Delquié, en charge de la coordination commerciale et du marketing pour la marque bavaroise. Grâce à sa cabine élévatrice, l’engin offre à son conducteur un point de vue direct sur les bennes ou les trémies dans lesquelles il déverse les flux de matière. Sa position surélevée lui permet également de surplomber la zone d’action de sa machine. Un gage, encore une fois, de plus de sécurité.
Le constructeur fait également le pari de l’électrique : « l’ensemble de la gamme des pelles de manutention industrielle est disponible en électrique. Cette motorisation, vertueuse pour l’environnement et les opérateurs, est particulière adaptée au travail à poste fixe ou en intérieur », souligne Epvre Delquié. Un créneau sur lequel s’engagent de plus en plus de constructeurs, à l’image de Liebherr, qui a présenté l’été dernier sa pelle électrique LH 26 M, équipée d’un moteur de 90 kW.
L’innovation ne se cantonne pas à la manutention
Quand vient l’heure des étapes de traitement et de recyclage des métaux à proprement parler, là aussi les innovations sont légion. « Nos partenaires fabricants apportent régulièrement des évolutions technologiques aux équipements standards, dans le but d’accroitre la productivité et la longévité des équipements », constate Guillaume Haas, responsable des services marketing et après-vente de Projac, spécialiste mulhousien de l’outil de recyclage, et partenaire exclusif de six fabricants européens. « Par exemple, sur les cisailles à plan incliné I.CUT (conçues par Bonfiglioli), un nouveau système de vérinage « Fastback » est proposé et permet un retour rapide des vérins », décrit Guillaume Haas. Autre tendance : celle des équipements connectés. C’est le cas des presses-cisailles I.CUT, mais aussi de leur déclinaison mobile Mobicut, toutes deux connectées à l’usine afin d’en assurer la télémaintenance.
Un outil de pointe est également devenu incontournable : l’analyseur de métaux. « Le spectromètre portable s’est peu à peu imposé sur les chantiers de récupération et de recyclage, mais également dans les fonderies pour les contrôles qualité », note Guillaume Haas. Figure de proue sur ce marché : l’analyseur Vulcan, développé par Hitachi ; l’un des plus rapides au monde. « Appuyez sur la gâchette : le résultat s’affiche une seconde plus tard », avance le fabricant japonais. « Il s’agit d’un analyseur LIBS (Laser Induced Breakdown Spectroscopy ou spectroscopie sur plasma induit par laser). Il est plus rapide que n’importe quel analyseur à fluorescence X (XRF) », explique Guillaume Haas. Et ce n’est pas le seul avantage du laser : en l’absence de rayons X, pas besoin de formation spécifique pour l’utilisateur. Ultime avantage : sa solidité, comme le souligne finalement Guillaume Haas : « Il est tellement solide qu’il est conforme à la norme militaire MIL-STD-810G ! ». Une résistance à toute épreuve : voilà sans doute la qualité première du matériel dédié au recyclage des métaux… Une caractéristique commune, sans doute, aux professionnels du secteur : face aux aléas du marché, mieux vaut en effet, parfois, savoir conserver un mental d’acier.